Introduction
Les intervalles de repos jouent un rôle essentiel dans la régulation de la fatigue, ce qui influence directement la performance lors des séries suivantes, ainsi que le volume total d’entraînement. Pourtant, malgré l’importance évidente de cette variable, il existe encore des débats sur la durée optimale des périodes de repos, en particulier lorsqu’il s’agit de maximiser l’hypertrophie. Les recommandations traditionnelles, qui préconisent des repos courts (entre 30 et 90 secondes), sont souvent basées sur l’idée que de telles périodes de repos augmentent les niveaux d’hormones anaboliques, ce qui stimulerait la croissance musculaire. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que des repos plus longs pourraient en fait offrir de meilleurs résultats ?
État des connaissances et objectif de l’étude
Les études antérieures
Pendant longtemps, la recommandation standard pour ceux cherchant à maximiser l’hypertrophie musculaire était d’utiliser des périodes de repos courtes. Cette stratégie repose en grande partie sur la “hypothèse hormonale”, qui suggère qu’un repos court entre les séries provoquerait une augmentation substantielle des hormones anaboliques, comme la testostérone et l’hormone de croissance, ce qui favoriserait la croissance musculaire. Cette hypothèse, bien qu’intuitive, a été remise en question par plusieurs études récentes.
En 2009, une étude de Buresh et al. a comparé les effets de périodes de repos de 1 minute et de 2,5 minutes sur la croissance musculaire. Les résultats ont montré une légère tendance en faveur des périodes de repos plus longues, en particulier en ce qui concerne l’augmentation de la section transversale des bras. Cependant, les différences n’étaient pas statistiquement significatives, ce qui a soulevé des questions sur la validité de l’hypothèse hormonale.
Les débats ont pris une tournure décisive en 2016, lorsqu’une étude menée par Schoenfeld et al. a bouleversé les croyances établies. Cette étude a montré que des hommes entraînés qui prenaient 3 minutes de repos entre les séries avaient des gains en force et en hypertrophie des membres inférieurs supérieurs à ceux qui prenaient seulement 1 minute de repos. Cela suggère que, contrairement à l’idée reçue, des périodes de repos plus longues pourraient être plus bénéfiques pour l’hypertrophie, probablement en permettant aux pratiquants de maintenir une charge d’entraînement plus élevée au fil des séries.
Objectif de l’étude
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’étude de Millender et al. (2022), qui cherche à éclairer davantage cette question en se concentrant sur un groupe souvent sous-représenté dans la recherche : les femmes entraînées. L’objectif principal de cette étude est d’examiner l’impact de la durée des intervalles de repos sur la performance en volume et la réponse lactique aiguë lors de séries réalisées à l’échec chez des femmes entraînées. En examinant à la fois des périodes de repos courtes (une minute) et longues (trois minutes), l’étude cherche à déterminer quelle approche est la plus efficace pour maximiser le volume total et, par conséquent, l’hypertrophie musculaire.
Méthodologie
Participants
L’étude de Millender et al. (2022) a été menée sur un groupe spécifique de 14 femmes, toutes ayant une expérience préalable en musculation. Ces participantes s’entraînaient régulièrement (au moins deux fois par semaine) depuis au moins un an, ce qui les qualifiait comme “entraînées” selon les standards de la recherche en sciences du sport. Il est crucial de noter que la majorité des recherches antérieures sur les intervalles de repos a été réalisée chez des hommes, ce qui rend cette étude particulièrement précieuse pour comprendre les dynamiques spécifiques aux femmes dans un contexte d’entraînement en résistance.
Les caractéristiques des participantes, telles que leur âge, leur poids, et leur niveau d’expérience spécifique en musculation, sont détaillées dans le tableau ci-dessous, mais le point clé ici est que toutes les participantes avaient une base solide en musculation, assurant ainsi que les résultats de l’étude sont applicables à un public bien défini et expérimenté.
Protocole expérimental
L’étude s’est déroulée sur une période de trois jours. Le premier jour, les participantes ont effectué des tests pour déterminer leur 10RM (répétition maximale pour 10 répétitions) sur deux exercices majeurs : le développé couché et la presse à cuisses. Ces tests ont permis de calibrer les charges utilisées lors des conditions expérimentales, fixées à 75 % du 10RM de chaque participante. Le choix de ces exercices n’est pas anodin, car ils sollicitent des groupes musculaires majeurs du haut et du bas du corps, fournissant une vue d’ensemble complète des effets de la durée des intervalles de repos.
Les deux jours suivants, les participantes ont été soumises à deux conditions expérimentales distinctes, chacune d’entre elles consistant à réaliser quatre séries à l’échec pour les deux exercices, avec un intervalle de repos de soit une minute, soit trois minutes entre les séries. Le critère de performance clé mesuré était le volume total (c’est-à-dire le produit des séries, des répétitions, et de la charge). De plus, la réponse lactique aiguë a été évaluée pour chaque condition afin de déterminer l’impact des différentes durées de repos sur l’accumulation de lactate sanguin, un marqueur de fatigue métabolique.
Tous les mouvements ont été standardisés avec un tempo contrôlé : deux secondes pour la phase excentrique et une seconde pour la phase concentrique. Ce contrôle strict du tempo est essentiel pour assurer la comparabilité des résultats, car il élimine les variations de vitesse de contraction qui pourraient influencer la fatigue musculaire et, par conséquent, la performance.
Résultats
Performances en volume
Les résultats de l’étude de Millender et al. (2022) sont sans équivoque : les périodes de repos plus longues ont conduit à une amélioration significative de la performance en volume pour les deux exercices étudiés. Plus précisément, les participantes ont réalisé 33,01 % de volume en plus pour le développé couché et 33,60 % de volume en plus pour la presse à cuisses lorsqu’elles prenaient trois minutes de repos entre les séries, comparé à un repos d’une minute.
Ces résultats confirment l’hypothèse que des périodes de repos plus longues permettent aux pratiquantes de mieux maintenir leur performance d’une série à l’autre. En d’autres termes, un repos plus long permet une meilleure récupération entre les séries, ce qui se traduit par un plus grand nombre de répétitions effectuées à charge égale, et donc, par un volume d’entraînement plus élevé.
Cette augmentation du volume total est cruciale car, comme le montrent d’autres recherches, le volume d’entraînement est un facteur clé de l’hypertrophie musculaire. Plus vous pouvez soulever de poids pour un nombre de répétitions donné, plus la stimulation musculaire est importante, ce qui favorise une croissance musculaire plus efficace à long terme.
Réponse lactique
Concernant la réponse lactique, l’étude a révélé une absence de différence significative entre les deux conditions. Que les participantes aient pris une minute ou trois minutes de repos entre les séries, les niveaux de lactate sanguin mesurés étaient similaires. Cette absence de différence est intéressante car elle suggère que, contrairement à ce que l’on pourrait attendre, la durée de repos ne semble pas influencer de manière notable l’accumulation de lactate dans ce contexte.
Cela peut s’expliquer par le fait que la production de lactate est principalement liée à l’intensité de l’effort musculaire et à la durée de contraction plutôt qu’à la durée du repos en elle-même. Ainsi, même avec un repos plus long, les participantes ont pu atteindre des niveaux de fatigue métabolique similaires, simplement en effectuant plus de répétitions grâce à une meilleure récupération. Toutefois, il est important de noter que d’autres facteurs, tels que la composition corporelle ou le niveau d’entraînement individuel, pourraient également jouer un rôle dans la réponse lactique.
Discussion
Interprétation des résultats
L’interprétation des résultats de l’étude de Millender et al. (2022) souligne plusieurs points importants pour les pratiquants de musculation. Premièrement, les périodes de repos plus longues (environ trois minutes) sont clairement avantageuses pour maintenir la performance en répétitions d’une série à l’autre, surtout lorsque les séries sont réalisées à l’échec. Cette capacité à maintenir un volume d’entraînement plus élevé est essentielle non seulement pour le développement de la force, mais aussi pour l’hypertrophie musculaire à long terme.
L’un des mécanismes principaux derrière cet effet est la meilleure récupération musculaire entre les séries, qui permet aux fibres musculaires de restaurer les niveaux d’ATP (adénosine triphosphate) et de réduire l’accumulation d’ions hydrogène, qui sont responsables de la fatigue musculaire. Ainsi, des périodes de repos plus longues permettent aux muscles de produire plus de force dans les séries ultérieures, augmentant ainsi le nombre total de répétitions et le volume global.
Analyse critique
Cependant, l’étude présente quelques limites et points de critique. Par exemple, il est important de noter que certains participants ont peut-être volontairement interrompu certaines séries avant d’atteindre l’échec musculaire complet, en particulier dans les séries avec un repos plus court. Cela pourrait fausser les résultats, car ces participants n’auraient pas exploité pleinement leur potentiel de performance, ce qui pourrait minimiser l’impact perçu des courtes périodes de repos.
De plus, l’absence d’analyse statistique des perceptions de l’effort (RPE) est une lacune notable. Les RPE sont des indicateurs cruciaux de la difficulté perçue des exercices, et une comparaison statistique entre les RPE des deux conditions aurait pu offrir des insights supplémentaires sur la manière dont les participantes percevaient l’effort requis avec des périodes de repos plus longues versus plus courtes.
Comparaison entre les sexes
Il est également intéressant de comparer ces résultats à ceux obtenus dans des études similaires menées sur des hommes. En général, les femmes semblent mieux maintenir leur performance en répétitions d’une série à l’autre par rapport aux hommes, même avec des périodes de repos plus courtes. Cela pourrait être dû à des différences physiologiques, telles que la composition en fibres musculaires ou les niveaux d’endurance musculaire. Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse et mieux comprendre les différences entre les sexes dans le contexte de l’entraînement en résistance.
Conclusion
En résumé, l’étude de Millender et al. (2022) démontre que des périodes de repos plus longues sont bénéfiques pour les femmes entraînées en musculation, en leur permettant de maintenir une performance en répétitions plus stable d’une série à l’autre, ce qui se traduit par un volume total d’entraînement supérieur. Cette augmentation du volume est un facteur déterminant pour l’hypertrophie musculaire et la force, ce qui rend les périodes de repos de trois minutes particulièrement efficaces pour maximiser les résultats à long terme.
Pour l’avenir, il serait intéressant d’étendre cette recherche à des populations plus diversifiées, notamment en comparant les effets des périodes de repos sur différents groupes d’âge et de niveau. De plus, l’étude de stratégies d’entraînement qui combinent différents intervalles de repos en fonction des types d’exercices, niveau d’intensité (RPE ou RIR) et des objectifs spécifiques pourrait offrir des aperçus supplémentaires sur la manière de programmer efficacement les périodes de repos pour optimiser la performance et les gains musculaires.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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