Introduction
La performance athlétique de haut niveau repose souvent sur la capacité à maximiser la puissance musculaire et l’explosivité. Dans ce contexte, la potentiation post-activation (PAP) est devenue une stratégie populaire parmi les entraîneurs et les athlètes cherchant à améliorer les performances sportives. La PAP se réfère à l’amélioration temporaire de la force et de la puissance musculaire après une contraction musculaire maximale. En termes simples, elle consiste à utiliser des exercices de haute intensité pour « activer » les muscles, les préparant ainsi à des performances améliorées dans les exercices suivants.
Cependant, malgré ses avantages potentiels, la mise en œuvre optimale de la PAP reste un sujet de débat. L’un des principaux défis est de déterminer les conditions spécifiques dans lesquelles la PAP peut maximiser les bénéfices tout en minimisant la fatigue musculaire.
L’étude de Yuan et al. (2023) vise à explorer la relation entre différents seuils de perte de vitesse et l’efficacité de la PAP. L’objectif principal de cette étude était de comparer l’effet de la prescription d’exercices de PAP en utilisant le squat à 85% de 1RM avec des séries arrêtées à 5%, 10%, 15% et 20% de perte de vitesse sur la performance de saut avec contre-mouvement (CMJ). Dans cette étude, les chercheurs voulaient déterminer quel seuil de perte de vitesse optimisait le mieux la performance de saut après un exercice de PAP.
En identifiant les conditions optimales pour la PAP, cette étude contribue à une meilleure compréhension de la façon dont la fatigue et l’intensité de l’exercice influencent la performance athlétique, offrant ainsi des recommandations pratiques pour améliorer les résultats sportifs.
Méthodologie
Participants
L’étude de Yuan et al. (2023) a recruté 22 athlètes masculins spécialisés en athlétisme. Ces participants étaient tous expérimentés dans la pratique du squat, avec une moyenne de 5,8 ± 2,6 ans d’expérience. Cette longue expérience garantit que les athlètes étaient bien familiarisés avec la technique du squat, minimisant ainsi les variations dues à une technique inadéquate et assurant une base solide pour les mesures de performance.
Les caractéristiques des participants incluaient :
- Âge : Les athlètes avaient une moyenne d’âge de 25,4 ± 3,1 ans.
- Poids : La moyenne de poids était de 75,6 ± 6,4 kg.
- Taille : La moyenne de taille était de 178,4 ± 5,2 cm.

Ces caractéristiques montrent que les sujets étaient relativement homogènes, ce qui permet de minimiser les variations interindividuelles et d’obtenir des résultats plus précis et généralisables à une population similaire.
Protocole d’étude
L’étude a utilisé une conception croisée randomisée, ce qui signifie que chaque participant a servi de son propre contrôle. Cette conception permet de réduire les biais interindividuels et d’améliorer la fiabilité des résultats. Les athlètes ont visité le laboratoire pour cinq sessions distinctes, chaque session étant séparée par au moins 48 heures pour éviter les effets de fatigue accumulée.
- Session de test initiale : La première visite au laboratoire a été dédiée à la détermination du 1RM (répétition maximale) pour le squat. Cette mesure est cruciale car elle permet de calibrer précisément les charges utilisées dans les sessions expérimentales suivantes. Le 1RM est la charge maximale qu’un athlète peut soulever une fois, et elle est couramment utilisée pour prescrire des intensités d’entraînement.
- Quatre sessions expérimentales : Les quatre sessions suivantes ont été consacrées aux conditions expérimentales. Chaque session était séparée par au moins 48 heures pour garantir une récupération suffisante des athlètes et éviter toute influence de la fatigue accumulée.
L’élément clé de cette étude était la comparaison des effets de différents seuils de perte de vitesse sur la performance de saut post-PAP. Les conditions de perte de vitesse étaient définies comme suit :
- 5% de perte de vitesse : Les athlètes ont arrêté l’exercice de PAP lorsque la vitesse de levée avait diminué de 5% par rapport à la vitesse initiale.
- 10% de perte de vitesse : L’exercice était arrêté après une diminution de 10% de la vitesse.
- 15% de perte de vitesse : L’exercice était interrompu après une diminution de 15% de la vitesse.
- 20% de perte de vitesse : Les athlètes arrêtaient l’exercice après une diminution de 20% de la vitesse.
Ces différentes conditions ont permis aux chercheurs d’évaluer comment la fatigue accumulée (reflétée par la perte de vitesse) influence les bénéfices de la PAP sur la performance de saut. Cette approche a permis de déterminer le seuil optimal de perte de vitesse pour maximiser les bénéfices de la PAP tout en minimisant la fatigue.
Résultats
Nombre de répétitions par condition de perte de vitesse
L’un des principaux résultats de l’étude de Yuan et al. (2023) concerne le nombre de répétitions effectuées par les athlètes dans chaque condition de perte de vitesse. La perte de vitesse a été mesurée en pourcentage de la vitesse initiale de la première répétition du set de squat à 85% de 1RM. Plus la perte de vitesse est faible, moins les athlètes doivent effectuer de répétitions avant d’atteindre le seuil prédéfini.
Comparaison des répétitions effectuées dans chaque condition
Dans la condition de perte de vitesse de 5%, les athlètes ont effectué en moyenne 3,2 répétitions lors de la première série et 2,3 répétitions lors de la deuxième série. Ces chiffres contrastent fortement avec ceux des autres conditions : dans la condition de perte de vitesse de 10%, les athlètes ont effectué en moyenne 4,8 répétitions dans la première série et 3,9 répétitions dans la deuxième série. Les conditions de 15% et 20% de perte de vitesse ont permis aux athlètes d’effectuer respectivement 5,9 et 7,1 répétitions dans la première série, et 5,0 et 6,2 répétitions dans la deuxième série.
Ces résultats montrent clairement que plus le seuil de perte de vitesse est élevé, plus le nombre de répétitions effectué par les athlètes augmente. Cela signifie que des seuils de perte de vitesse plus bas limitent le nombre de répétitions et, par conséquent, la fatigue accumulée. Cette observation est cruciale car elle suggère que des seuils de perte de vitesse plus bas, comme 5%, peuvent aider à minimiser la fatigue tout en maximisant les effets de la PAP.
Performance de saut post-PAP
L’objectif principal de l’étude était d’évaluer comment différentes conditions de perte de vitesse affectaient la performance de saut avec contre-mouvement (CMJ) après l’exercice de PAP. Les paramètres de performance de saut évalués incluaient la hauteur de saut, la puissance et le momentum. Ces mesures ont été prises à plusieurs intervalles de temps après l’exercice de PAP pour déterminer les effets immédiats et prolongés de la PAP.
Changements dans la hauteur de saut, puissance et momentum
La hauteur de saut est un indicateur direct de la puissance explosive des membres inférieurs. Les résultats ont montré que la condition de perte de vitesse de 5% était la seule à améliorer significativement la hauteur de saut à 8 minutes après l’exercice de PAP. Dans cette condition, les athlètes ont montré une augmentation moyenne de 2,1 cm par rapport à la ligne de base, alors que les autres conditions n’ont montré aucune amélioration significative à aucun moment.
En termes de puissance, mesurée en watts, la condition de 5% de perte de vitesse a également montré des améliorations significatives. Les athlètes ont montré une augmentation moyenne de 5,4% de la puissance maximale à 8 minutes post-PAP. Cette augmentation n’a pas été observée dans les autres conditions, où la puissance a soit stagné soit diminué par rapport à la ligne de base.
Le momentum, défini comme le produit de la vitesse de décollage et de la masse corporelle, a également montré des améliorations sous la condition de perte de vitesse de 5%. Les athlètes ont montré une augmentation moyenne de 4,8% du momentum à 8 minutes post-PAP, indiquant une amélioration globale de la performance explosive.
Comparaison des performances de saut à différents intervalles de temps (10s, 4min, 8min, 12min, 16min)
Les performances de saut ont été mesurées à plusieurs intervalles de temps après l’exercice de PAP pour évaluer comment les effets de la PAP évoluent au fil du temps.

À 10 secondes après l’exercice de PAP, aucune condition n’a montré d’amélioration significative par rapport à la ligne de base, ce qui suggère que la fatigue initiale peut masquer les effets bénéfiques de la PAP.
À 4 minutes post-PAP, les performances ont commencé à se stabiliser, mais aucune amélioration significative n’a été observée dans aucune des conditions.
C’est à 8 minutes post-PAP que les athlètes sous la condition de perte de vitesse de 5% ont montré des améliorations significatives dans tous les paramètres de performance de saut. Ces résultats suggèrent que 8 minutes est un intervalle de temps optimal pour maximiser les effets de la PAP sous cette condition.
À 12 minutes post-PAP, les performances ont légèrement diminué mais sont restées supérieures à la ligne de base dans la condition de 5% de perte de vitesse. Cependant, aucune amélioration significative n’a été observée dans les autres conditions.
À 16 minutes post-PAP, les performances ont généralement montré une tendance à revenir aux niveaux de base, indiquant que les effets de la PAP commencent à s’estomper après environ 12 minutes.
Interprétation des Résultats
Analyse des résultats
L’analyse des résultats de l’étude de Yuan et al. (2023) fournit des perspectives intéressantes sur l’effet de différents seuils de perte de vitesse pendant les exercices de PAP sur la performance des sauts avec contre-mouvement (CMJ). L’étude a clairement montré que la diminution des répétitions effectuées lors des exercices de PAP était proportionnelle à la réduction du seuil de perte de vitesse. En d’autres termes, plus le seuil de perte de vitesse était bas, moins les athlètes réalisaient de répétitions avant d’atteindre ce seuil, ce qui indique une gestion plus efficace de la fatigue.
Discussion sur la diminution des répétitions avec l’augmentation du seuil de perte de vitesse
Les résultats ont montré que dans la condition de perte de vitesse de 5%, les athlètes ont effectué en moyenne 3,2 répétitions dans la première série et 2,3 répétitions dans la deuxième série. À mesure que le seuil de perte de vitesse augmentait à 10%, 15% et 20%, le nombre de répétitions augmentait respectivement à 4,8, 5,9 et 7,1 dans la première série, et à 3,9, 5,0 et 6,2 dans la deuxième série. Cela suggère que les athlètes subissent une fatigue accumulée plus importante lorsque le seuil de perte de vitesse est élevé, car ils doivent effectuer plus de répétitions avant d’atteindre le seuil prédéfini.
Meilleure performance de saut observée dans la condition de 5% de perte de vitesse
La condition de perte de vitesse de 5% a non seulement montré une diminution du nombre de répétitions, mais elle a également été associée à une amélioration significative de la performance de saut à 8 minutes post-PAP. Les athlètes ont montré une augmentation moyenne de 2,1 cm de la hauteur de saut, une augmentation de 5,4% de la puissance et une augmentation de 4,8% du momentum. Ces résultats indiquent que la condition de 5% de perte de vitesse permet de maximiser les bénéfices de la PAP tout en minimisant la fatigue accumulée, ce qui est essentiel pour optimiser la performance.
Applications pratiques et autorégulation de la Prescription de PAP
Les résultats de Yuan et al. (2023) sont cohérents avec ceux d’études précédentes qui ont examiné l’effet de la PAP sur la performance de résistance. Par exemple, de Freitas et al. (2021) ont montré que des hommes entraînés pouvaient ajouter en moyenne 6,5 répétitions à leur premier set de squats après un exercice de PAP consistant en un set de deux répétitions à 90% de 1RM. Cette étude souligne l’importance de limiter la fatigue pour maximiser les bénéfices de la PAP, en utilisant des exercices lourds et courts. De même, Alves et al. (2019) ont trouvé que la PAP améliorait les performances lors d’une session d’entraînement en résistance, renforçant l’idée que des charges lourdes et un faible nombre de répétitions peuvent être efficaces pour la PAP.
Importance de l’autorégulation
L’autorégulation est cruciale pour maximiser les bénéfices de la PAP, car chaque athlète réagit différemment aux charges et aux intensités d’entraînement. Une prescription uniforme de PAP peut être trop fatiguante pour certains athlètes et pas assez stimulante pour d’autres. En utilisant des techniques d’autorégulation, telles que la surveillance de la perte de vitesse ou l’évaluation de l’effort perçu (RPE ou RIR), les entraîneurs peuvent personnaliser les exercices de PAP pour chaque athlète, maximisant ainsi les bénéfices tout en minimisant les risques de fatigue excessive.
La variabilité interindividuelle dans la réponse à la PAP nécessite une programmation individualisée. Les athlètes diffèrent non seulement en termes de force et de puissance, mais aussi en termes de récupération et de résistance à la fatigue. Par conséquent, une approche standardisée peut ne pas être efficace pour tous. En adaptant les charges et les répétitions en fonction des réponses individuelles, les entraîneurs peuvent optimiser la PAP pour chaque athlète, garantissant ainsi des gains de performance maximaux.
Temps de repos entre l’exercice de PAP et la performance
Les temps de repos optimaux entre un exercice de PAP et la performance de saut ou de sprint sont généralement de 3 à 10 minutes, selon plusieurs études métanalyses. L’étude de Yuan et al. (2023) confirme ces résultats, montrant que les athlètes ont obtenu les meilleures performances de saut 8 minutes après l’exercice de PAP. Ces résultats sont cohérents avec les conclusions de Seitz et Haff (2016), qui ont trouvé que la PAP potentié la performance de saut et de sprint lorsque les exercices étaient réalisés 3 à 10 minutes après l’exercice de PAP.
Conclusion
L’étude de Yuan et al. (2023) a mis en lumière des résultats significatifs concernant l’optimisation de la potentiation post-activation (PAP) pour les athlètes de track and field. L’un des principaux résultats est que les athlètes qui ont réalisé des exercices de PAP en s’arrêtant à une perte de vitesse de 5% ont montré les meilleures améliorations de performance. Cela inclut une augmentation de la hauteur de saut, de la puissance et du momentum. Les résultats indiquent que ce seuil de perte de vitesse est optimal pour maximiser les bénéfices de la PAP tout en minimisant la fatigue accumulée.
La PAP s’avère être une stratégie à la fois efficace et pratique pour améliorer la performance athlétique. Les entraîneurs peuvent intégrer des exercices de PAP dans les programmes d’entraînement sans ajouter une surcharge significative au volume total d’entraînement. En fait, un exercice de PAP bien conçu ajoute seulement quelques minutes à une session d’entraînement, mais peut améliorer considérablement la performance explosive, ce qui est crucial pour les athlètes de sports nécessitant des mouvements rapides et puissants.
Pour affiner davantage les protocoles de PAP, il serait bénéfique de mener des études supplémentaires explorant divers paramètres. Par exemple, des recherches pourraient examiner comment différents groupes d’athlètes réagissent à la PAP, y compris les femmes et les athlètes de différents niveaux de compétence. De plus, tester d’autres formes d’exercices de PAP, tels que des variations de squats ou d’autres exercices de résistance, pourrait fournir des aperçus précieux sur la généralisation des résultats.
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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