Introduction
Lorsqu’il s’agit de gérer son poids, les différences entre hommes et femmes font l’objet de nombreuses discussions. Beaucoup pensent que les hommes perdent du poids plus facilement que les femmes, ou que les femmes ont un métabolisme naturellement plus lent. Mais que dit la science sur les différences dans la dépense énergétique entre les sexes ? Une étude récente menée par Halsey et al. (2022) s’est penchée sur cette question en analysant les variations de la dépense énergétique chez les hommes et les femmes. Cette revue scientifique, basée sur une vaste base de données de mesures de dépense énergétique obtenues par la méthode de l’eau doublement marquée, révèle que la variabilité de la dépense énergétique est plus grande chez les hommes, même après avoir pris en compte des facteurs tels que la taille et la composition corporelle.
Cet article vise à rendre ces résultats accessibles et compréhensibles pour tous, en détaillant les conclusions de l’étude et en expliquant leurs implications pour la perte de poids et la gestion du métabolisme. Nous aborderons également les mythes courants sur la perte de poids selon le sexe et expliquerons pourquoi il est important d’adopter une approche individualisée.
Qu’est-ce que la dépense énergétique ?
Définition
La dépense énergétique représente la quantité d’énergie, mesurée en calories, que le corps utilise pour fonctionner. Elle se divise en trois composantes principales : le métabolisme de base (ou métabolisme au repos), la dépense énergétique liée à l’activité physique, et la dépense énergétique totale.
- Le métabolisme de base (RMR) correspond à l’énergie minimale nécessaire pour maintenir les fonctions vitales, comme la respiration, la circulation sanguine, et la régulation de la température corporelle. Il représente environ 60-70% de la dépense énergétique totale chez la plupart des individus.
- La dépense énergétique liée à l’activité physique inclut toute l’énergie utilisée au-delà du métabolisme de base, que ce soit pour les activités quotidiennes (marcher, monter des escaliers) ou pour l’exercice.
- La dépense énergétique totale est la somme de la dépense énergétique au repos et de celle liée à l’activité physique. Elle peut varier considérablement en fonction du mode de vie et du niveau d’activité.
Importance de la dépense énergétique dans la gestion du poids
La dépense énergétique joue un rôle crucial dans la gestion du poids. Pour perdre du poids, une personne doit créer un déficit calorique, c’est-à-dire consommer moins de calories qu’elle n’en dépense. Inversement, pour prendre du poids, elle doit avoir un excédent calorique. Comprendre les facteurs qui influencent la dépense énergétique est donc essentiel pour élaborer des stratégies efficaces de perte ou de maintien du poids.
Les facteurs qui influencent la dépense énergétique
Plusieurs facteurs influencent la dépense énergétique, notamment :
- La composition corporelle : Les muscles brûlent plus de calories que la graisse. Par conséquent, une personne avec une masse musculaire plus élevée aura un métabolisme de base plus élevé.
- L’âge : La dépense énergétique diminue généralement avec l’âge, en raison de la diminution de la masse musculaire et des changements hormonaux.
- Le sexe : Les hommes ont tendance à avoir une dépense énergétique plus élevée en raison d’une masse musculaire plus importante.
- Le niveau d’activité physique : Les personnes qui sont plus actives dépensent plus de calories.
Objectifs et hypothèses de l’étude
Objectif
L’objectif principal de l’étude de Halsey et al. (2022) était de comparer la variabilité de la dépense énergétique (au repos, active et totale) entre les sexes, tout en prenant en compte différents facteurs pouvant influencer cette variabilité, tels que la taille, la masse corporelle, et l’âge. Les chercheurs cherchaient à déterminer si les différences observées dans la dépense énergétique entre hommes et femmes persistaient même après ajustement pour ces variables.
Hypothèse
Les auteurs ont émis l’hypothèse que la dépense énergétique serait plus variable chez les hommes que chez les femmes. Cette hypothèse était basée sur des données issues de modèles animaux, où les mâles montrent souvent plus de variabilité dans divers traits physiologiques et physiques.
Méthodologie de l’étude
Participants
Les données utilisées dans cette étude provenaient de la base de données sur l’eau doublement marquée de l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui est une ressource précieuse pour les études sur le métabolisme humain. L’échantillon final comprenait les données de 3108 femmes et 1494 hommes, tous âgés de plus de 18 ans. Les participants ayant des conditions de santé spécifiques (grossesse, allaitement, maladies métaboliques) ou prenant part à des interventions impliquant des changements drastiques de l’apport énergétique ont été exclus pour éviter les biais.
Méthodes d’analyse
Les chercheurs ont utilisé des modèles mixtes bayésiens pour analyser les données, une approche statistique qui permet de quantifier la variance des mesures tout en tenant compte des différences individuelles dans les facteurs comme la taille, la composition corporelle, et l’âge. Les résultats ont été présentés sous forme de distributions bayésiennes, avec des intervalles crédibles reflétant la précision des estimations.
Sources de données
L’utilisation de la base de données de l’eau doublement marquée a permis aux chercheurs d’obtenir des mesures précises de la dépense énergétique totale chez les participants, car cette méthode est considérée comme le « gold standard » pour évaluer la dépense énergétique dans les études de grande envergure. Les données provenaient de plus de 30 pays, avec une majorité d’études menées dans les pays occidentaux, ce qui garantit une diversité des populations étudiées, même si certaines régions du monde sont sous-représentées.
Résultats de l’étude
Variabilité de la dépense énergétique
Les résultats ont montré que la dépense énergétique totale et celle liée à l’activité physique étaient plus variables chez les hommes que chez les femmes, même après ajustement pour la taille et la composition corporelle. En revanche, la variabilité de la dépense énergétique au repos était plus faible et présentait moins de différences significatives entre les sexes.

Cela suggère que les différences de variabilité dans la dépense énergétique totale entre les hommes et les femmes pourraient être en partie expliquées par les différences dans les niveaux d’activité physique, qui sont souvent plus hétérogènes chez les hommes.
Effet de l’âge
Un autre aspect important des résultats est que la variabilité de la dépense énergétique diminuait avec l’âge pour les deux sexes. Les différences entre les hommes et les femmes étaient les plus prononcées chez les plus jeunes participants, tandis que l’écart diminuait chez les participants plus âgés, notamment ceux âgés de plus de 70 ans.

Modèle conceptuel proposé
Les chercheurs ont proposé un modèle conceptuel pour expliquer la régulation de la dépense énergétique chez les femmes. Ils ont suggéré que les pressions évolutives pourraient favoriser des niveaux modérés de dépense énergétique de base chez les femmes, afin de maximiser la capacité de reproduction tout en préservant suffisamment d’énergie pour d’autres fonctions biologiques essentielles.

Interprétation des résultats
Signification des résultats
Les résultats de l’étude indiquent que, bien que les hommes présentent une plus grande variabilité de la dépense énergétique, cela ne signifie pas que les femmes ont un métabolisme systématiquement plus « lent » ou plus sujet aux adaptations métaboliques. La régulation de la dépense énergétique semble être plus homogène chez les femmes, ce qui pourrait être une réponse évolutive pour garantir une énergie suffisante à la reproduction.
Différences entre les hommes et les femmes
Les résultats montrent que les différences de variabilité ne suggèrent pas nécessairement une difficulté accrue pour les femmes à perdre du poids. En effet, les deux sexes subissent des adaptations métaboliques pendant la perte de poids, mais la littérature ne montre pas que ces adaptations sont plus marquées chez les femmes.
Limites des résultats
Il est important de noter que l’étude n’a pas observé les variations longitudinales de la dépense énergétique. Les données sont basées sur des mesures transversales, ce qui signifie qu’elles ne montrent pas comment la dépense énergétique change au fil du temps pour un individu donné.
Ce que cela signifie pour la perte de poids chez les hommes et les femmes
Mythes sur la perte de poids selon le sexe
Les idées reçues concernant la perte de poids chez les hommes et les femmes sont nombreuses, mais il est essentiel de s’appuyer sur des données scientifiques pour clarifier les faits. Une perception courante est que les hommes perdent du poids plus facilement que les femmes, ce qui alimente le sentiment d’injustice et de frustration, notamment chez les femmes qui s’engagent dans des régimes stricts. Cependant, les résultats de l’étude de Halsey et al. (2022) montrent que les différences de dépense énergétique ne sont pas aussi significatives qu’on pourrait le penser après ajustement pour des variables comme la taille et la composition corporelle.
Par exemple, il est vrai que les hommes ont tendance à avoir une dépense énergétique totale plus élevée en raison de leur masse musculaire plus importante, ce qui les aide à brûler plus de calories au repos et pendant l’exercice. Cependant, après avoir pris en compte des facteurs tels que la composition corporelle, les hommes et les femmes présentent des niveaux similaires de dépense énergétique par kilogramme de masse maigre. Cela signifie que, bien que les hommes puissent perdre du poids plus rapidement en termes absolus, les différences relatives à la composition corporelle peuvent rendre les deux sexes plus égaux qu’on ne le pense lorsqu’il s’agit de la perte de poids.
Adaptations métaboliques
Les adaptations métaboliques font référence aux changements que le corps subit en réponse à des variations de l’apport calorique ou à une augmentation de l’activité physique. Ces adaptations peuvent rendre la perte de poids plus difficile, car elles entraînent une diminution du métabolisme de base et de la dépense énergétique totale. Le corps, en réponse à une restriction calorique prolongée, cherche à économiser de l’énergie pour compenser la baisse de l’apport énergétique.
Les études sur les adaptations métaboliques chez les hommes et les femmes, y compris l’étude de Halsey et al. (2022), suggèrent que les deux sexes subissent des réductions similaires de la dépense énergétique pendant les périodes de restriction calorique. Les femmes ne semblent pas plus sujettes à ces adaptations que les hommes. Ce constat va à l’encontre de l’idée selon laquelle les femmes auraient un « métabolisme plus lent » en raison de mécanismes de défense plus forts contre la perte de poids. Les adaptations varient en fonction de l’individu plutôt qu’en fonction du sexe.
Considérations individuelles
Si l’on se base uniquement sur les moyennes, il est facile de passer à côté de l’importance des différences individuelles dans la dépense énergétique et la réponse à la perte de poids. Chaque personne a un métabolisme unique, influencé par des facteurs tels que la génétique, les antécédents de régime, les niveaux d’activité physique, et même le stress. Cela signifie que les approches de perte de poids doivent être adaptées à chaque individu plutôt que d’être fondées sur des idées préconçues sur les différences entre les sexes.
Les programmes de perte de poids doivent tenir compte de la variabilité de la dépense énergétique et s’efforcer d’identifier les obstacles spécifiques auxquels chaque individu est confronté. Par exemple, pour certaines personnes, la faim et le contrôle de l’appétit seront des défis majeurs, tandis que d’autres devront gérer des niveaux d’activité physique fluctuants ou des adaptations métaboliques plus marquées. Adopter une approche individualisée permet de mieux surmonter les obstacles uniques de chaque personne, ce qui favorise un succès durable dans les efforts de perte de poids.
Recommandations pour la pratique
Stratégies de perte de poids adaptées
Pour que les stratégies de perte de poids soient efficaces, elles doivent être adaptées non seulement au sexe de l’individu, mais aussi à sa composition corporelle, ses habitudes de vie, et ses objectifs spécifiques. L’idée de « calories in, calories out » reste vraie, mais elle doit être nuancée en fonction des particularités de chaque personne. Par exemple, une femme avec une faible masse musculaire pourrait avoir besoin de se concentrer davantage sur l’entraînement en résistance pour augmenter sa dépense énergétique, tandis qu’un homme avec une activité physique irrégulière devrait viser à stabiliser ses niveaux d’activité.
Les conseils suivants peuvent aider à adapter les stratégies de perte de poids pour les hommes et les femmes :
- Intégrer l’entraînement en résistance : Pour les hommes et les femmes, l’entraînement en résistance est essentiel pour préserver la masse musculaire pendant la perte de poids, ce qui aide à maintenir une dépense énergétique plus élevée.
- Équilibrer l’apport en macronutriments : Une attention particulière aux protéines peut aider à préserver la masse maigre et à contrôler la faim. Les besoins peuvent varier selon la composition corporelle, mais viser un apport de 1,2 à 2 g de protéines par kilogramme de poids corporel est généralement efficace.
- Ajuster l’apport calorique en fonction de l’activité physique : Les personnes avec des niveaux d’activité physique fluctuants devraient adapter leur apport calorique pour éviter un déficit trop important les jours où elles sont moins actives.
Considérations pour les entraîneurs et les nutritionnistes
Les professionnels du sport et de la nutrition doivent être conscients des différences de variabilité dans la dépense énergétique et de leur impact potentiel sur la perte de poids. Plutôt que de se fier à des recommandations uniformes pour les hommes et les femmes, il est crucial d’adopter une approche personnalisée qui tient compte des besoins et des défis spécifiques de chaque client.
Quelques recommandations pour les entraîneurs et nutritionnistes :
- Mettre l’accent sur la variabilité individuelle : Chaque client est unique et doit être traité en conséquence. Utiliser des mesures comme la composition corporelle, les niveaux de stress, et les habitudes alimentaires pour personnaliser les plans d’entraînement et de nutrition.
- Suivi et ajustement réguliers : La perte de poids n’est pas linéaire, et les besoins du corps peuvent changer au fil du temps. Des ajustements réguliers du plan alimentaire et de l’entraînement sont nécessaires pour s’assurer que les progrès sont maintenus et que les adaptations métaboliques sont minimisées.
- Soutenir la santé mentale : La perte de poids peut être un processus stressant, et les défis psychologiques varient entre les individus. Encourager les clients à adopter une approche flexible et à écouter leur corps peut améliorer la durabilité des résultats.
Conclusions et perspectives futures
Les résultats de l’étude de Halsey et al. (2022) montrent que la variabilité de la dépense énergétique est plus élevée chez les hommes que chez les femmes, mais que cela ne signifie pas que les femmes ont un métabolisme « moins efficace » ou sont moins capables de perdre du poids. La régulation de la dépense énergétique est influencée par une combinaison de facteurs individuels, évolutifs, et comportementaux, ce qui rend nécessaire une approche personnalisée pour la gestion du poids.
Il serait bénéfique d’approfondir les recherches sur les différences entre les sexes en termes de réponses aux adaptations métaboliques, notamment dans les études longitudinales. Il reste également important d’explorer les barrières spécifiques rencontrées par les hommes et les femmes lors de la perte de poids, afin de développer des interventions plus ciblées et efficaces.
Pour les athlètes, qu’ils soient hommes ou femmes, il est essentiel de comprendre que la perte de poids ne se résume pas à un seul chiffre sur la balance. Le métabolisme, l’entraînement, et l’alimentation doivent être optimisés en fonction des besoins spécifiques pour assurer des performances maximales tout en préservant la santé.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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