Introduction
L’une des questions les plus débattues dans le domaine est l’importance de la gestion de la fatigue et de la récupération. Lorsqu’un individu s’entraîne jusqu’à l’échec musculaire, il pousse ses muscles à leurs limites maximales, ce qui peut entraîner des niveaux élevés de fatigue et de dommages musculaires. La gestion adéquate de cette fatigue est cruciale pour optimiser la performance et prévenir les blessures.
La récupération est donc, par conséquence, essentielle pour permettre au corps de réparer les micro-déchirures musculaires, restaurer les réserves énergétiques et réduire l’inflammation. Une mauvaise gestion de la récupération peut non seulement compromettre les performances futures, mais aussi augmenter le risque de blessures. Il est donc crucial d’adopter des stratégies d’entraînement qui équilibrent l’intensité de l’exercice avec des périodes de récupération adéquates.
Objectifs de l’étude de Mangine et al
L’étude menée par Mangine et ses collègues en 2021 visait à explorer cette dynamique en comparant deux stratégies d’entraînement différentes. Leur objectif principal était de déterminer comment la récupération varie après un entraînement jusqu’à l’échec complet par rapport à un entraînement en utilisant une stratégie de répétitions en réserve (RIR). Cette étude a comparé le temps de récupération, les performances au développé couché et les niveaux de créatine kinase, un biomarqueur de dommages musculaires, chez des hommes entraînés.
Objectif principal
L’objectif principal de l’étude était de comparer le temps de récupération après cinq séries de développé couché jusqu’à l’échec versus quatre séries à 1-3 répétitions en réserve (RIR) suivies d’une série à l’échec chez des hommes entraînés.
Hypothèse de l’étude
Les chercheurs ont hypothéqué que la récupération serait plus rapide lorsqu’une seule série est effectuée jusqu’à l’échec comparativement à toutes les séries. Cette hypothèse est basée sur l’idée que la fatigue accumulée serait moindre lorsque la majorité des séries sont réalisées avec des répétitions en réserve, permettant ainsi une récupération plus rapide et efficace.
Participants et méthodologie
Participants
L’étude a recruté 14 hommes, tous ayant au moins trois ans d’expérience en musculation et s’entraînant régulièrement au moins trois fois par semaine durant l’année précédente. Ces critères d’inclusion garantissent que les participants sont bien entraînés et capables de réaliser les protocoles d’entraînement intensifs requis par l’étude.
Design de l’étude
L’étude a utilisé un design en crossover avec deux conditions distinctes. Chaque sujet a été testé dans les deux conditions avec un intervalle de repos approprié entre les sessions pour éviter les effets résiduels de fatigue. La première condition impliquait cinq séries de développé couché à 80 % du 1RM jusqu’à l’échec complet. La deuxième condition consistait à réaliser quatre séries avec 1-3 répétitions en réserve (RIR), suivies d’une dernière série jusqu’à l’échec.
Protocole de test
Avant de commencer les sessions d’entraînement, les sujets ont effectué des tests de 1RM et d’endurance musculaire (répétitions jusqu’à l’échec à 80 % du 1RM). Ces tests de référence permettent de déterminer les charges de travail pour les sessions d’entraînement et d’évaluer les performances de base.
Évaluation de la récupération
Pour évaluer la récupération, des échantillons de sang ont été prélevés et des mesures de performance ont été réalisées à 6, 24, 48 et 72 heures après chaque session d’entraînement. Les mesures comprenaient la vitesse de la barre et le développement de la force lors de trois répétitions à 80 % du 1RM. La créatine kinase, un marqueur de dommages musculaires, a également été mesurée pour évaluer l’impact de chaque condition d’entraînement sur les dommages musculaires.
Supplémentation en créatine
Pour standardiser les effets de la supplémentation en créatine, tous les participants ont reçu 100 g de créatine monohydrate cinq jours avant le test initial, suivi de 5 g par jour pour le reste de l’étude. Cela a permis d’éliminer les variations de récupération dues à l’utilisation de créatine avant l’étude.
Résultats
Comparaison des répétitions effectuées
Les résultats ont montré que le nombre total de répétitions effectuées n’était pas significativement différent entre les deux conditions (30,9 ± 6,8 pour la condition échec total et 32,1 ± 6,3 pour la condition RIR + échec, p = 0,237). Cependant, il y avait des différences notables dans la distribution des répétitions au cours des séries. Dans la condition échec total, les sujets ont effectué plus de répétitions dans la première série mais ont vu une diminution significative des répétitions dans les séries suivantes. En revanche, dans la condition RIR + échec, les répétitions étaient mieux maintenues à travers les séries.
Les graphiques et les valeurs des répétitions effectuées, du RIR par série et du RPE (échelle de perception de l’effort) montrent une diminution progressive des répétitions dans la condition échec total, avec une baisse moyenne de 5,7 répétitions (ou 60 %) de la première à la cinquième série. Dans la condition RIR + échec, le nombre de répétitions était plus stable, indiquant une gestion de la fatigue plus efficace.
Évolution de la créatine kinase
La créatine kinase, indicateur de dommages musculaires, a augmenté de 49 % et 33 % de plus dans la condition échec total que dans la condition RIR + échec à 24 et 48 heures post-entraînement, respectivement. Cette augmentation suggère que l’entraînement jusqu’à l’échec complet entraîne plus de dommages musculaires et, par conséquent, une récupération potentiellement plus longue.
Interprétation des résultats
Instructions et perception sur les RIR
Les instructions données aux sujets pour la condition RIR étaient de s’arrêter lorsqu’ils pensaient ne plus pouvoir faire plus de 1-3 répétitions. Cette directive manque de précision, ce qui a pu entraîner des interprétations variées par les sujets, certains pouvant s’arrêter plus tôt ou plus tard que prévu.
Comparaison des temps de récupération
Les résultats de l’étude montrent que la récupération de la vitesse moyenne et du développement de la force était similaire entre les deux conditions. Cependant, la condition échec total a entraîné une augmentation significative de la créatine kinase, suggérant des dommages musculaires plus importants et potentiellement une récupération plus lente.
Ces résultats suggèrent qu’il peut être plus avantageux de limiter les séries jusqu’à l’échec complet pour favoriser une récupération plus rapide et maintenir une haute fréquence d’entraînement. En pratique, cela signifie que les athlètes et les entraîneurs devraient envisager de structurer les séances d’entraînement avec des répétitions en réserve pour maximiser les gains tout en minimisant la fatigue et les dommages musculaires.
Études complémentaires et littérature connexe
Croisement avec d’autres études
De nombreuses études ont exploré les effets de l’entraînement jusqu’à l’échec versus non-échec. Moran-Navarro et al. (2017) et Pareja-Blanco et al. (2020) ont montré que la récupération après l’entraînement jusqu’à l’échec prend généralement plus de temps comparé à l’entraînement avec des répétitions en réserve. Ces études soulignent l’importance de la gestion de la récupération pour optimiser la performance et la fréquence d’entraînement.
L’étude de Mangine et al. corrobore ces conclusions, montrant que bien que les performances soient similaires à court terme, les dommages musculaires et la fatigue sont significativement réduits lorsque les séries ne sont pas effectuées jusqu’à l’échec complet. Cela met en évidence l’importance de modérer l’intensité des séries pour une récupération plus efficace.
La sélection des exercices et la structure de l’entraînement jouent également un rôle crucial dans la récupération. Les exercices qui impliquent de longues amplitudes de mouvement ou qui sont particulièrement exigeants peuvent nécessiter des temps de récupération plus longs, même lorsqu’ils ne sont pas effectués jusqu’à l’échec.
Applications pratiques et recommandations
Pour optimiser la récupération et la performance, il est recommandé de limiter les séries jusqu’à l’échec complet ou de moduler le volume, surtout pour les exercices sollicitant de grandes amplitudes de mouvement. Il faut donc chercher à avoir le volume le plus haut possible tolérable ; c’est ce ratio là qui est sûrement le plus difficile à définir.
Il est crucial de structurer les séances d’entraînement de manière à équilibrer le volume et l’intensité. Un bon équilibre permet de maximiser les gains de force et de muscle tout en minimisant la fatigue et les risques de blessures.
Conclusion
L’étude de Mangine et al. (2021) apporte des aperçus précieux sur l’importance de la gestion de la fatigue et de la récupération en musculation. Les résultats montrent que bien que la performance immédiate puisse être similaire entre l’entraînement jusqu’à l’échec et l’entraînement avec des répétitions en réserve, les dommages musculaires et la fatigue sont significativement réduits avec cette dernière méthode.
Intégrer les concepts de répétitions en réserve dans la routine d’entraînement permet non seulement d’optimiser les gains de force et de muscle, mais aussi d’améliorer la récupération et de prévenir les blessures à condition de bien maîtriser cette méthode (perception difficile de son propre effort).
Bien que cette étude fournisse des données importantes, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer l’effet du “répeated bout effect” sur la récupération en fonction de différentes stratégies d’entraînement. Comprendre comment la répétition de l’entraînement jusqu’à l’échec impacte la récupération à long terme pourrait révolutionner les approches de programmation en musculation.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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