Introduction
Quelle quantité de protéines peut-on réellement utiliser lors d’un repas unique pour optimiser la croissance musculaire ? Cette interrogation, qui semble simple à première vue, cache des nuances complexes et suscite un vif débat parmi les experts en nutrition et en entraînement.
Pendant des années, une croyance populaire voulait qu’un apport de 20 à 25 grammes de protéines par repas suffise à maximiser la synthèse des protéines musculaires, laissant penser que consommer davantage serait inutile, voire « gâché ». Cependant, de nouvelles recherches, comme l’étude de Trommelen et al. (2023), bouleversent ces idées reçues. Cette étude, publiée dans Cell Reports Medicine, explore les effets anaboliques des doses modérées et élevées de protéines sur une période prolongée après un entraînement de musculation. Ces découvertes sont non seulement fascinantes pour les scientifiques, mais elles ont également des implications pratiques majeures pour les athlètes et les amateurs du sport en général.
But et hypothèses de l’étude
Objectif de l’article
L’objectif de cet article est de traduire les résultats complexes de cette étude en termes simples et accessibles, même pour les débutants. Nous allons explorer les questions suivantes :
- Combien de protéines devrions-nous consommer après un entraînement ?
- Les doses élevées de protéines offrent-elles des avantages significatifs ?
- Comment ces découvertes peuvent-elles influencer vos habitudes alimentaires pour maximiser la croissance musculaire ?
Le but de l’étude
L’étude de Trommelen et al. (2023) s’est fixé un objectif clair : comprendre comment différentes doses de protéines affectent la synthèse des protéines musculaires et le métabolisme général sur une période prolongée de 12 heures après un entraînement. Contrairement aux études précédentes, souvent limitées à une période de 6 heures, cette étude adopte une approche plus large, permettant d’examiner des phénomènes métaboliques à plus long terme.
Les chercheurs ont évalué trois dosages de protéines :
- 0 g (aucune ingestion de protéines, groupe témoin),
- 25 g (considéré comme une dose modérée),
- 100 g (une dose élevée).
Ce design a permis de mettre en lumière les différences dose-dépendantes en matière de synthèse des protéines, d’oxydation et de bilan protéique net.
Hypothèses des chercheurs
Les chercheurs ont émis plusieurs hypothèses avant de débuter leur étude :
- Une augmentation dose-dépendante de la synthèse des protéines musculaires et de la disponibilité des acides aminés.
- Une prolongation de l’effet anabolique avec une dose élevée (100 g).
- Un impact limité de l’oxydation des acides aminés, même avec une dose élevée, suggérant que peu de protéines seraient « gaspillées ».
Ces hypothèses ont guidé la méthodologie rigoureuse de l’étude, que nous détaillerons dans la section suivante.
Méthodologie
Les participants
L’étude a recruté 36 hommes en bonne santé, âgés de 18 à 40 ans, pratiquant une activité physique régulière (1 à 3 fois par semaine). Ces participants étaient considérés comme « actifs sur le plan récréatif », un groupe représentatif des amateurs de fitness. Les critères d’inclusion étaient stricts pour garantir des résultats fiables :
- Un IMC compris entre 18,5 et 30,
- Absence de conditions médicales ou de traitements pouvant interférer avec les résultats,
- Non-fumeurs et non-intolérants au lactose.
Cette homogénéité dans le profil des participants a permis de minimiser les variables confondantes, renforçant la validité interne de l’étude.
Design expérimental
Après leur sélection, les participants ont été répartis aléatoirement en trois groupes correspondant aux doses de protéines : 0 g, 25 g et 100 g. Tous ont suivi un entraînement de musculation complet juste avant l’ingestion de leur dose respective. Cet entraînement comprenait 4 exercices (presse à cuisses, leg extension, tirage vertical et développé-couché) réalisés en 4 séries :
- Une première série de 10 répétitions à 65 % du 1RM,
- Suivie de 2 à 4 séries à 80 % du 1RM jusqu’à l’échec musculaire.
Cet effort intense a été conçu pour stimuler au maximum le métabolisme musculaire, optimisant ainsi les conditions pour mesurer l’impact de l’ingestion protéique.
Mesures
Pour suivre le métabolisme protéique sur 12 heures, les chercheurs ont utilisé des méthodes de pointe, notamment :
- Biopsies musculaires (prélevées sur le vaste latéral) pour analyser la synthèse des protéines musculaires.
- Prélèvements sanguins réguliers pour suivre les concentrations d’acides aminés.
- Utilisation de protéines et acides aminés marqués isotopiquement (phénylalanine et leucine) pour tracer leur destination métabolique.
Ces techniques avancées ont permis d’obtenir des données détaillées sur la synthèse, la dégradation et l’oxydation des protéines.
Résultats principaux
Synthèse protéique musculaire

L’un des résultats clés de l’étude est que la synthèse des protéines musculaires suit un modèle dose-réponse clair :
- Le groupe ayant consommé 100 g de protéines a montré une augmentation significative de la synthèse par rapport aux groupes 25 g et 0 g.
- L’effet anabolique a été particulièrement marqué entre 4 et 12 heures après l’ingestion, un laps de temps où les effets de doses plus faibles s’estompaient.
En d’autres termes, consommer une dose élevée de protéines prolonge la fenêtre anabolique, favorisant une meilleure récupération et une plus grande accumulation musculaire.
Dégradation et oxydation des protéines
La dégradation des protéines n’a pas montré de différences significatives entre les groupes. Cependant, l’oxydation des protéines était légèrement plus élevée dans le groupe 100 g. Bien que cela puisse suggérer une « perte », les chercheurs ont souligné que l’impact était négligeable. En effet, la majorité des protéines a été utilisée pour la synthèse musculaire et d’autres fonctions métaboliques.
Bilan protéique net
Le bilan protéique net, un indicateur clé de l’anabolisme, était nettement supérieur dans le groupe 100 g par rapport aux autres groupes. Ce résultat démontre que, contrairement aux idées reçues, les doses élevées de protéines ne sont pas « gaspillées ». Au contraire, elles peuvent maximiser la récupération et la croissance musculaire.
Comparaison entre protéines modérées et élevées

Une observation particulièrement intéressante de l’étude est la différence de réponse anabolique entre les doses de 25 g et de 100 g de protéines :
- Avec 25 g, la synthèse des protéines musculaires a montré un pic précoce mais s’est stabilisée après 4 heures, revenant presque à la ligne de base après environ 6 heures.
- En revanche, la dose de 100 g a prolongé cette synthèse sur une période de 12 heures, avec des augmentations notables entre la 4ᵉ et la 12ᵉ heure post-ingestion.
Ces données confirment que les doses plus élevées de protéines ne se limitent pas à un effet immédiat. Elles étendent la période d’anabolisme actif, ce qui peut être crucial pour les athlètes cherchant à maximiser la récupération et le développement musculaire.
Interprétation des résultats
Défis aux croyances préexistantes
Pendant longtemps, les recommandations sur les protéines post-entraînement se sont concentrées sur une dose de 20 à 25 g pour maximiser la synthèse des protéines musculaires. Cependant, cette étude remet en question cette limite présumée. Elle montre qu’il n’existe pas de seuil pratique d’efficacité pour la réponse anabolique à une dose de protéines, tant que celle-ci reste dans des quantités physiologiquement raisonnables.
Cela permet d’éclairer une discordance importante dans les recherches antérieures :
- Les études aiguës, qui se concentrent sur de courtes périodes, suggéraient que des doses modérées suffisaient.
- Pourtant, les études longitudinales montrent un avantage des apports plus élevés, notamment pour les personnes ayant des besoins accrus, comme les athlètes ou les individus de forte corpulence.
Implications pour les athlètes de musculation
Pour les athlètes cherchant à optimiser leur récupération musculaire, ces résultats sont essentiels. Ils indiquent que consommer une dose élevée de protéines après l’entraînement peut :
- Prolonger la réponse anabolique, particulièrement important pour ceux qui ne peuvent pas fractionner leurs repas.
- Augmenter le bilan protéique net, favorisant une meilleure adaptation musculaire sur le long terme.
Limites et nuances
Bien que ces résultats soient impressionnants, il est important de noter que cette étude ne s’étend pas aux effets à long terme sur la croissance musculaire. Les données aiguës, bien qu’informatives, ne doivent pas être prises comme un substitut aux études longitudinales. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats dans des contextes variés, y compris des périodes prolongées d’entraînement structuré.
Implications pratiques
Pour les pratiquants de musculation
Ces découvertes ont des implications concrètes pour votre planification nutritionnelle :
- Si vous vous entraînez intensément, consommer jusqu’à 100 g de protéines après une séance complète peut être bénéfique. Cela ne signifie pas que vous devez systématiquement viser cette quantité, mais plutôt que des doses élevées ne sont pas inutiles comme on le croyait auparavant.
- Une distribution flexible des repas est possible, mais inclure une dose élevée post-entraînement peut maximiser vos résultats.
Pour les recommandations générales
Les recommandations traditionnelles de 20 à 30 g par repas sont toujours valables pour la majorité des gens. Cependant, cette étude souligne que les besoins en protéines peuvent varier en fonction de :
- L’intensité de l’entraînement,
- La taille corporelle et le poids,
- Les objectifs spécifiques
- une préférence alimentaire dans les apports (gestion des macro-nutriments)
Ainsi, une approche personnalisée est essentielle pour maximiser les bénéfices.
Conclusion
L’étude de Trommelen et al. apporte des informations révolutionnaires sur la réponse anabolique aux protéines. Elle montre que les doses élevées, jusqu’à 100 g, prolongent l’effet anabolique pendant plusieurs heures après l’entraînement. Enfin, contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de seuil pratique d’efficacité limitant l’impact des protéines sur la synthèse musculaire.
Si vous souhaitez donc, maximiser vos résultats en musculation, ne vous limitez pas à 20-25 g de protéines par repas. Adaptez votre apport à vos besoins et à votre routine, et n’hésitez pas à inclure des doses élevées après vos séances pour maximiser votre récupération.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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