Densité énergétique et surconsommation : Pourquoi nous mangeons plus que prévu ?

Table des matières

Introduction

L’alimentation moderne est marquée par une disponibilité croissante d’aliments à forte densité énergétique, souvent transformés et enrichis en graisses et en sucres. Cette évolution alimentaire soulève des questions fondamentales sur la régulation de l’appétit et le contrôle des apports caloriques. Depuis plusieurs décennies, les chercheurs s’interrogent sur le rôle exact de la densité énergétique des aliments dans la gestion de la satiété et de la consommation calorique quotidienne. L’une des théories les plus débattues est celle de la surconsommation passive, selon laquelle l’ingestion d’aliments riches en énergie ne s’accompagnerait pas d’une réduction équivalente des apports alimentaires aux repas suivants, entraînant ainsi une accumulation progressive de calories et, à terme, un risque accru de prise de poids.

Une étude marquante menée par Flynn et al. (2022) a suggéré l’existence d’un seuil critique autour de 1.75 kcal par gramme, en dessous duquel la satiété serait principalement régulée par le volume des aliments consommés et au-delà duquel la densité énergétique deviendrait le facteur prédominant contrôlant l’arrêt du repas. Selon cette hypothèse, lorsqu’un repas est composé d’aliments peu denses en énergie, les individus auraient tendance à manger jusqu’à atteindre un niveau suffisant de distension gastrique, indépendamment du nombre de calories ingérées. À l’inverse, lorsque la densité énergétique dépasse ce seuil, le volume de nourriture ingérée tendrait à diminuer, et l’arrêt de la prise alimentaire serait davantage dicté par la quantité de calories consommées que par la sensation de satiété purement mécanique.

L’étude menée par Finlay et al. (2024) s’inscrit dans cette perspective et cherche à vérifier empiriquement l’existence de ce seuil à travers deux expériences distinctes basées sur des repas de différentes densités énergétiques. Ces travaux visent également à comprendre comment les caractéristiques sensorielles des aliments, comme leur saveur et leur texture, influencent la quantité consommée et s’ils jouent un rôle plus déterminant que la densité énergétique elle-même.

Objectifs de l’étude

L’étude de Finlay et al. (2024) poursuit un double objectif : d’une part, il s’agit d’évaluer si la relation entre la densité énergétique des repas et la quantité de calories consommées suit un modèle linéaire ou si elle est marquée par un point de bascule qui régulerait la prise alimentaire. D’autre part, les chercheurs veulent déterminer si une compensation calorique se met en place après un repas plus riche en énergie, c’est-à-dire si les individus tendent naturellement à ajuster leur consommation alimentaire au cours de la journée en fonction de ce qu’ils ont ingéré plus tôt.

La première question posée est donc de savoir si un repas plus calorique entraîne une réduction spontanée de la quantité de nourriture consommée aux repas suivants, ou si, au contraire, cette augmentation de l’apport énergétique n’est pas compensée, conduisant à une élévation de l’apport calorique total de la journée. Ce point est central, car il permet d’évaluer l’existence d’un mécanisme adaptatif naturel de régulation de l’énergie ou, à l’inverse, de confirmer l’hypothèse de la surconsommation passive.

Un autre aspect de cette recherche concerne l’impact des caractéristiques sensorielles des aliments sur la quantité consommée. Les aliments plus savoureux ou plus agréables à manger poussent-ils à une ingestion plus importante, indépendamment de leur densité énergétique ? Si c’est le cas, la question de la palatabilité devient un facteur déterminant dans le contrôle de l’apport calorique.

Enfin, l’étude s’intéresse au rôle du volume des aliments ingérés et à la manière dont les individus ajustent leur consommation en fonction de la densité énergétique. En d’autres termes, les participants modifient-ils la quantité d’aliments consommés pour maintenir une ingestion énergétique stable, ou sont-ils enclins à manger un volume similaire quel que soit le nombre de calories contenues dans ces aliments ?

Méthodologie

Expérience 1 : Impact immédiat de la densité énergétique sur la consommation calorique

La première expérience vise à tester l’effet immédiat de la densité énergétique sur la quantité de calories consommées en un seul repas. Pour ce faire, 34 adultes, dont 62 % de femmes, âgés en moyenne de 37,4 ans, ont été recrutés. Chaque participant a pris part aux trois conditions expérimentales dans un ordre aléatoire, afin de neutraliser les biais potentiels liés à l’ordre des repas.

Dans cette expérience, chaque repas était composé d’un sandwich standardisé, accompagné d’un dessert à densité énergétique variable. Trois types de desserts ont été utilisés pour représenter des niveaux croissants de densité énergétique :

  • Un yaourt vanille, à faible densité énergétique de 1.2 kcal par gramme.
  • Une glace vanille, à densité énergétique intermédiaire de 1.9 kcal par gramme.
  • Un cheesecake vanille, à forte densité énergétique de 3.5 kcal par gramme.

Les participants étaient invités à manger autant qu’ils le souhaitaient du dessert servi, en condition de consommation ad libitum (« à volonté »). L’objectif était de mesurer la quantité totale ingérée en grammes et en calories afin d’analyser si la densité énergétique influençait directement la prise alimentaire.

En plus des mesures quantitatives, des scores de palatabilité ont été recueillis afin d’évaluer dans quelle mesure le plaisir gustatif influençait la quantité consommée.

Expérience 2 : Effet à long terme de la densité énergétique sur l’apport calorique journalier

La deuxième expérience visait à déterminer si une compensation calorique se produisait après la consommation d’un repas riche en énergie. Un groupe de 32 participants, composé de 66 % de femmes, âgés en moyenne de 36,4 ans, a été recruté pour cette partie de l’étude.

Le protocole expérimental impliquait la consommation d’un déjeuner standardisé, composé de chili et de frites, dont la densité énergétique était manipulée pour être soit faible (1.1 kcal/g), moyenne (1.7 kcal/g) ou élevée (3.0 kcal/g). Comme dans la première expérience, les participants étaient autorisés à manger à volonté.

Après le déjeuner, une collation était fournie dans l’après-midi, suivie d’un dîner standardisé composé d’un plat de pâtes et de légumes. Contrairement au déjeuner, la densité énergétique du dîner était identique pour toutes les conditions. L’objectif était d’évaluer si les participants ayant consommé un déjeuner plus calorique réduisaient spontanément leur consommation aux repas suivants.

L’apport calorique total de la journée a été mesuré, ainsi que les sensations de faim et de satiété à différents moments de la journée, afin d’observer si des ajustements alimentaires se produisaient en réponse à un repas plus riche en énergie.

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