Entraînement basé sur la vitesse : Qui des femmes ou des hommes doit s’entraîner plus près de l’échec ?

Table des matières

Introduction

L’entraînement basé sur la vitesse, ou velocity-based training (VBT), est un concept de plus en plus populaire dans le monde de la musculation, particulièrement parmi ceux qui cherchent à optimiser la force, l’hypertrophie musculaire et la puissance. Contrairement aux méthodes d’entraînement traditionnelles qui se basent sur des pourcentages de répétitions maximales (1RM), le VBT ajuste la charge et le volume d’entraînement en fonction de la vitesse d’exécution des répétitions. Cette méthode permet une meilleure autoregulation de l’entraînement, s’adaptant au niveau de fatigue du jour, ce qui peut maximiser les performances et les adaptations musculaires.

Cependant, une question reste largement inexplorée : les femmes et les hommes répondent-ils de la même manière à cette méthode d’entraînement ? En musculation, il existe déjà certaines différences bien documentées entre les sexes, telles que la capacité d’endurance musculaire, la récupération entre les séries et la manière dont les muscles fatiguent. Par exemple, plusieurs études montrent que les femmes peuvent souvent effectuer plus de répétitions à une intensité donnée (en pourcentage du 1RM) que les hommes. Ce constat soulève une question importante : est-ce que les femmes doivent s’entraîner différemment des hommes pour obtenir des résultats optimaux en termes de force et d’hypertrophie ?

Objectifs et hypothèses de l’étude

L’objectif principal de l’étude de Rissanen et al. (2022) était d’examiner les différences potentielles entre les sexes en termes de force, d’hypertrophie musculaire et de puissance après un entraînement basé sur la vitesse, en utilisant des seuils de perte de vitesse de 20 % et 40 %. Plus précisément, les chercheurs cherchaient à déterminer si les femmes bénéficient davantage d’un entraînement plus proche de l’échec musculaire que les hommes.

Les hypothèses formulées par les chercheurs étaient que les adaptations neuromusculaires pourraient différer entre les sexes et entre les exercices impliquant le haut et le bas du corps. Cela repose sur des données antérieures qui montrent que les femmes et les hommes présentent des différences dans la manière dont ils récupèrent et résistent à la fatigue lors d’un exercice physique. Par exemple, il a été observé que les femmes ont une endurance musculaire supérieure à des charges modérées (environ 70 % du 1RM) comparé aux hommes, ce qui pourrait indiquer qu’elles pourraient tolérer un volume d’entraînement plus important avant d’atteindre la fatigue complète.

L’étude visait donc à explorer ces hypothèses en comparant les performances des hommes et des femmes dans des exercices du haut et du bas du corps, avec deux protocoles différents de perte de vitesse, afin de voir si ces différences dans la gestion de la fatigue se traduisent par des adaptations neuromusculaires différentes. Ce point est essentiel, car il pourrait aider à personnaliser encore plus les protocoles d’entraînement en fonction du sexe et des objectifs spécifiques de chaque athlète.

Méthodologie de l’étude

La méthodologie employée dans cette étude était soigneusement conçue pour répondre aux questions de recherche. 45 sujets ont été recrutés, dont 23 hommes et 22 femmes, tous avec au moins une année d’expérience dans le squat et le développé couché. Cela garantit que les participants avaient déjà une certaine familiarité avec ces exercices et que leurs adaptations neuromusculaires pouvaient être correctement évaluées sur la durée de l’étude.

Participants

Les participants ont été répartis en quatre groupes distincts :

  • Un groupe d’hommes s’entraînant avec une perte de vitesse de 20 %.
  • Un groupe de femmes s’entraînant avec une perte de vitesse de 20 %.
  • Un groupe d’hommes s’entraînant avec une perte de vitesse de 40 %.
  • Un groupe de femmes s’entraînant avec une perte de vitesse de 40 %.

Cette répartition a permis de comparer directement les effets des différents seuils de perte de vitesse entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les exercices impliquant le haut et le bas du corps. Les participants ont suivi un programme d’entraînement sur 8 semaines, consistant en des squats et des développés couchés effectués sur une smith machine. Chaque groupe s’entraînait deux fois par semaine, avec des charges et des séries augmentant progressivement au fil des semaines pour s’assurer que les participants continuaient à progresser.

Design expérimental

Les groupes étaient pair-matching, c’est-à-dire que les hommes et les femmes ont été répartis en fonction de leur force de départ au squat et au développé couché afin d’éviter tout biais lié à une différence de niveau de base. Ce protocole est essentiel pour garantir que les différences observées dans les résultats soient attribuables aux variables de l’étude (perte de vitesse et sexe) et non à des différences initiales de force.

Pendant l’entraînement, chaque participant devait effectuer les répétitions de manière explosive, en maximisant la vitesse de chaque phase concentrique. La vitesse propulsive moyenne était mesurée à l’aide d’un transducteur de position linéaire, un appareil permettant de capturer la vitesse exacte à laquelle la charge est déplacée. Cela a permis aux chercheurs de déterminer avec précision quand une série devait être arrêtée, en fonction du seuil de perte de vitesse de 20 % ou de 40 %.

Les sujets ont bénéficié de 3 minutes de repos entre les séries pour permettre une récupération adéquate tout en minimisant l’impact de la fatigue résiduelle sur les séries suivantes. En plus de mesurer les gains en force maximale (1RM) au squat et au développé couché, les chercheurs ont également évalué les changements dans la section transversale musculaire des vastes latéraux (muscles des quadriceps) et des triceps via l’utilisation de l’échographie, ainsi que les améliorations de la performance au saut contre-mouvement.

Résultats de l’étude

Gains de force

En termes de gains de force, les différences entre les groupes n’étaient pas statistiquement significatives, ce qui signifie que les participants des différents groupes (hommes et femmes, 20 % et 40 % de perte de vitesse) ont obtenu des gains de force relativement similaires. Toutefois, il est important de noter que les femmes ayant suivi le programme avec une perte de vitesse de 40 % ont montré une tendance à obtenir de meilleurs résultats en matière de force, avec un g de 0,56 pour le squat et g de 0,60 pour le développé couché, en comparaison avec celles ayant suivi le programme avec une perte de vitesse de 20 %.

Chez les hommes, les différences entre les groupes étaient moins marquées, confirmant des recherches antérieures indiquant que les hommes semblent moins affectés par la proximité de l’échec en ce qui concerne les gains de force.

Hypertrophie

En ce qui concerne l’hypertrophie, les résultats ont montré que les changements dans la section transversale du muscle (mesurés via échographie) étaient similaires entre les groupes, sans différence significative entre les hommes et les femmes, ni entre les groupes de 20 % et 40 % de perte de vitesse. Cela suggère que, contrairement aux gains de force, l’hypertrophie musculaire ne semble pas être affectée de manière significative par la proximité de l’échec, du moins dans le cadre de cet entraînement basé sur la vitesse.

Chez les hommes, ceux du groupe avec une perte de vitesse de 40 % ont montré une légère augmentation de la croissance du vaste latéral (g = 0,59) par rapport à ceux du groupe à 20 %, bien que cette différence ne soit pas suffisamment marquée pour être statistiquement significative.

Performance au saut contre-mouvement

En ce qui concerne la performance au saut contre-mouvement, aucune différence significative n’a été observée entre les groupes, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, et que ce soit avec une perte de vitesse de 20 % ou de 40 %. Cela suggère que l’entraînement basé sur la vitesse n’a pas d’effet distinct sur la puissance musculaire telle que mesurée par cette variable.

Répartition des répétitions

Un aspect particulièrement intéressant de cette étude concerne la répartition des répétitions. Les résultats montrent des incohérences dans le nombre total de répétitions effectuées par les hommes et les femmes, selon les sources de données de l’étude. Tandis que le tableau 2 montre que les femmes ont tendance à effectuer plus de répétitions que les hommes, les auteurs rapportent dans la section résultats que les hommes ont réalisé plus de répétitions que les femmes (p = 0,03). Cette incohérence est un point de critique, mais n’altère pas fondamentalement les conclusions générales de l’étude.

Analyse critique des résultats

Les résultats de cette étude soulèvent plusieurs points de discussion. Le premier constat majeur est que, contrairement à ce que certaines interprétations populaires pourraient suggérer, il n’existe pas de preuve concluante que les femmes doivent s’entraîner plus près de l’échec que les hommes pour maximiser les gains de force. Les différences observées dans les gains de force entre les groupes féminins de 20 % et 40 % de perte de vitesse sont modestes (g = 0,56 à 0,60) et n’ont pas atteint la signification statistique.

Cela soulève une question importante : les femmes ont-elles réellement besoin de s’entraîner plus intensément pour maximiser leurs résultats ?

Comme mentionné précédemment, les différences de gains de force entre les groupes féminins entraînés avec une perte de vitesse de 20 % et de 40 % n’ont pas atteint la signification statistique. Cependant, cela ne signifie pas que ces résultats sont dépourvus de pertinence pratique. En effet, il est important de souligner que la taille de l’effet (g = 0,56 à 0,60) est tout de même notable et pourrait suggérer que les femmes tendent à répondre légèrement mieux à un entraînement avec une plus grande perte de vitesse, ce qui les pousse plus près de l’échec musculaire.

Cependant, les chercheurs mettent en garde contre une interprétation trop rigide de ces résultats. D’abord, le fait que les différences ne soient pas statistiquement significatives indique qu’il est possible que les résultats observés soient simplement dus au hasard, surtout dans une étude avec un nombre limité de participants. De plus, les variations interindividuelles doivent être prises en compte : certaines femmes peuvent bénéficier d’un entraînement proche de l’échec, tandis que d’autres peuvent ne pas en avoir besoin pour maximiser leurs gains de force et d’hypertrophie.

Un autre point de critique concerne la manière dont les répétitions ont été comptabilisées au cours de l’étude. Comme mentionné dans la section des résultats, il existe des incohérences dans les données sur le nombre total de répétitions effectuées entre les sexes, ce qui complique l’interprétation des différences de volume d’entraînement entre les groupes. Cela pourrait avoir un impact sur les conclusions générales concernant les différences d’adaptations entre les hommes et les femmes.

En résumé, bien que les résultats ne justifient pas une révision complète des méthodes d’entraînement pour les femmes, ils suggèrent que les femmes pourraient tolérer et bénéficier légèrement plus d’un volume d’entraînement plus important ou d’une proximité à l’échec musculaire accrue par rapport aux hommes. Mais il est important de considérer ces résultats avec prudence jusqu’à ce que des études supplémentaires viennent confirmer ces tendances.

Recommandations et perspectives

Applications pratiques

Pour les pratiquants de musculation, qu’ils soient débutants ou avancés, cet article offre plusieurs recommandations basées sur les résultats de cette étude,

  • Pour les hommes : Le VBT peut être utilisé efficacement pour améliorer la force et l’hypertrophie, sans qu’il soit nécessaire de s’entraîner jusqu’à l’échec musculaire à chaque séance. Un seuil de perte de vitesse de 20 % peut être suffisant pour obtenir des résultats optimaux.
  • Pour les femmes : Il peut être bénéfique d’inclure des séries avec une perte de vitesse plus importante (40 %) dans votre programme, surtout si votre objectif principal est de maximiser la force et l’hypertrophie. Cela dit, ne vous sentez pas obligées de toujours vous entraîner jusqu’à l’échec musculaire.
  • Personnalisation de l’entraînement : Quelle que soit la méthode utilisée, il est essentiel d’ajuster votre programme en fonction de vos propres réponses à l’entraînement. Suivez vos performances et adaptez votre programme pour maximiser les résultats sans vous épuiser ou risquer des blessures.

Attention aux interprétations hâtives

Il est important de ne pas tirer de conclusions trop hâtives des résultats de cette étude. Le fait que les gains de force chez les femmes aient été légèrement meilleurs avec une perte de vitesse de 40 % ne signifie pas que toutes les femmes devraient systématiquement s’entraîner jusqu’à l’échec ou très proche de celui-ci. Il est crucial de prendre en compte les besoins individuels, les objectifs, et le niveau d’entraînement de chaque pratiquant avant d’ajuster un programme d’entraînement. De plus, d’autres facteurs tels que la nutrition, le sommeil et la gestion du stress influencent également les performances et les adaptations musculaires.

Personnalisation de l’entraînement

L’un des enseignements clés de cette étude est que l’entraînement doit être personnalisé en fonction des réponses individuelles. Les femmes comme les hommes peuvent bénéficier d’une approche flexible, où la charge de travail, le volume d’entraînement, et la proximité de l’échec sont ajustés en fonction de leur progression. Le VBT est justement une méthode qui facilite cette personnalisation en ajustant le volume et l’intensité en fonction des performances du jour, ce qui permet aux athlètes de maximiser leurs gains tout en minimisant le risque de blessure.

Comparaison avec la littérature existante

L’un des points les plus intéressants de cette étude est qu’elle comble une lacune importante dans la littérature sur l’entraînement basé sur la vitesse, qui jusqu’à présent se concentrait principalement sur des participants masculins. En effet, comme l’ont souligné Rissanen et al. (2022), la plupart des études longitudinales sur le VBT ont été réalisées avec des hommes, et il y a une absence frappante de données sur les femmes.

Selon une revue systématique réalisée par Baena-Marín et al. (2022), seulement une étude sur 22 incluses dans leur analyse comprenait des participantes féminines. Cela souligne à quel point les recherches sur les femmes dans le VBT sont rares, ce qui rend l’étude de Rissanen et al. particulièrement précieuse. Cette rareté des études sur les femmes pourrait avoir conduit à des généralisations inappropriées, où les résultats des études sur les hommes étaient extrapolés aux femmes sans preuve empirique. L’étude de Rissanen et al. est donc un pas important vers une meilleure compréhension de la manière dont les femmes répondent à des méthodes d’entraînement basées sur la vitesse.

En outre, d’autres études sur la question de l’entraînement jusqu’à l’échec montrent des résultats similaires. Par exemple, Grgic et al. (2022) ont réalisé une méta-analyse comparant l’entraînement jusqu’à l’échec et l’entraînement en s’arrêtant avant l’échec. Ils ont constaté que, bien que l’entraînement jusqu’à l’échec ne soit pas nécessairement supérieur pour les gains de force, il pourrait être bénéfique dans certains cas, notamment pour l’hypertrophie musculaire. Cependant, cette méta-analyse inclut peu d’études portant spécifiquement sur des participantes féminines, ce qui rend encore plus pertinent l’appel à de futures recherches sur le sujet.

Enfin, la méta-analyse de Hagstrom et al. (2020) a examiné l’impact de l’entraînement en résistance sur l’hypertrophie et la force chez les femmes et a constaté que les gains en force obtenus lors d’un entraînement jusqu’à l’échec étaient similaires à ceux obtenus en s’arrêtant avant l’échec. Ces résultats corroborent les conclusions de l’étude de Rissanen et al., suggérant que les femmes ne tirent pas nécessairement plus de bénéfices à pousser leur entraînement plus proche de l’échec, bien que dans certaines circonstances, cela puisse être avantageux pour certaines pratiquantes.

Conclusion

En conclusion, l’étude de Rissanen et al. (2022) apporte des informations nouvelles et importantes sur les différences potentielles entre les hommes et les femmes dans la réponse à l’entraînement basé sur la vitesse. Elle montre que, globalement, le VBT est une méthode efficace pour les deux sexes, mais suggère également que les femmes pourraient légèrement mieux répondre à un entraînement avec un volume plus élevé ou une proximité à l’échec musculaire accrue. Toutefois, il est important de rappeler que ces résultats ne sont pas encore suffisamment solides pour justifier des changements radicaux dans les méthodes d’entraînement des femmes.

Liste des Références Scientifiques

L’étude complète

Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :

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