Full-body et perte de graisse : la science confirme un avantage surprenant

Table des matières

Introduction

La conception des programmes d’entraînement en résistance repose sur plusieurs principes fondamentaux visant à maximiser l’hypertrophie musculaire, la force et la perte de masse grasse. L’un des débats récurrents dans ce domaine concerne l’efficacité relative des programmes d’entraînement en full-body par rapport aux routines avec le split-body. Si les deux approches ont été largement étudiées en termes de gains musculaires et de force, leur impact spécifique sur la perte de masse grasse demeure une question en suspens. Une étude récente menée par Carneiro et al. (2024) apporte un éclairage nouveau sur cette problématique en comparant les effets de ces deux méthodes d’entraînement sur la réduction de la masse grasse et la perception de la fatigue musculaire chez des pratiquants bien entraînés.

Dans cette étude, les chercheurs ont comparé les effets d’un programme full-body et d’un programme split-body, en veillant à ce que les volumes d’entraînement soient équivalents en termes de séries et d’intensité.

Cet article analysera en profondeur les résultats de cette étude en explorant les effets métaboliques des deux méthodes d’entraînement, en discutant des implications pratiques pour les athlètes et pratiquants de musculation, et en mettant en lumière les potentielles perspectives de recherche future dans ce domaine.

Objectifs de l’étude

Objectif principal

L’étude de Carneiro et al. (2024) visait à examiner l’impact de deux méthodes d’entraînement en résistance sur la composition corporelle de pratiquants masculins bien entraînés. Plus précisément, les chercheurs avaient deux objectifs principaux :

  • Comparer la perte de masse grasse entre un programme full-body et un programme split-body, tout en contrôlant le volume total d’entraînement.
  • Évaluer la perception de la fatigue musculaire (Delayed-Onset Muscle Soreness – DOMS) afin de déterminer si l’une des méthodes était plus propice à la récupération musculaire.

Hypothèses

Les auteurs de l’étude ont émis l’hypothèse que le programme full-body permettrait une plus grande perte de masse grasse et induirait une fatigue musculaire moindre par rapport au programme split-body. Cette hypothèse repose sur des observations antérieures selon lesquelles l’entraînement en full-body mobilise un plus grand nombre de groupes musculaires par séance, augmentant ainsi la dépense énergétique totale et limitant la surcharge excessive sur des muscles spécifiques.

Méthodologie

Profil des participants

L’étude a recruté 23 participants masculins âgés de 18 à 35 ans, tous pratiquants de musculation depuis au moins trois ans. Pour garantir un niveau d’entraînement avancé, les critères de sélection exigeaient que les participants puissent réaliser un développé couché avec une charge équivalente à 100 % de leur poids corporel et un squat avec 150 % de leur poids corporel.

Protocole d’entraînement

Les participants ont été répartis aléatoirement en deux groupes :

  • Groupe Full-Body (n=11) : entraînement 5 jours par semaine, avec des exercices ciblant l’ensemble du corps à chaque séance.
  • Groupe Split-Body (n=12) : entraînement 5 jours par semaine, avec un programme ciblant des groupes musculaires spécifiques chaque jour.

Les deux programmes étaient conçus pour assurer un volume d’entraînement hebdomadaire équivalent, avec 75 séries par semaine et une intensité fixée à 70-80 % du 1RM (répétition maximale).

Évaluation des paramètres

Plusieurs mesures ont été réalisées avant et après les 8 semaines d’intervention :

  • Composition corporelle : mesurée via absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA), une méthode précise pour estimer la masse grasse et la masse maigre.
  • Niveau de fatigue musculaire (DOMS) : évalué via une échelle subjective à différents moments de l’étude.
  • Volume de charge totale soulevée : enregistré pour évaluer la charge de travail réalisée par chaque groupe.
  • Suivi nutritionnel : les participants ont rempli un journal alimentaire pour contrôler toute variation significative de l’apport calorique.

Résultats

Perte de masse grasse et composition corporelle

L’analyse des données issues de la DXA a révélé des différences significatives entre les deux groupes en ce qui concerne la perte de masse grasse. Le groupe full-body a enregistré une perte moyenne de 0,775 ± 1,120 kg de masse grasse, soit une réduction de 5,7 % par rapport aux valeurs initiales. En revanche, le groupe split-body a montré une légère prise de 0,317 ± 1,260 kg, représentant une augmentation de 2,1 %.

L’analyse régionale de la perte de graisse a montré que le groupe full-body a perdu plus de graisse dans presque toutes les zones corporelles :

  • Graisse des membres supérieurs : – 0,085 ± 0,118 kg pour le groupe full-body contre une prise de 0,066 ± 0,162 kg pour le groupe split-body.
  • Graisse gynoïde (hanches, fessiers, cuisses) : – 0,142 ± 0,230 kg pour le groupe full-body contre une prise de 0,123 ± 0,230 kg pour le groupe split-body.
  • Graisse androïde (abdominale, tronc supérieur) : – 0,116 ± 0,153 kg pour le groupe full-body contre une prise de 0,026 ± 0,174 kg pour le groupe split-body.
  • Graisse des membres inférieurs : – 0,197 ± 0,204 kg pour le groupe full-body contre une prise de 0,055 ± 0,328 kg pour le groupe split-body.

Le fait que la perte de graisse ait été plus homogène dans tout le corps pour le groupe full-body renforce l’hypothèse selon laquelle la sollicitation simultanée de plusieurs groupes musculaires à chaque séance peut accroître la dépense énergétique globale, conduisant ainsi à une réduction plus efficace de la graisse corporelle.

Volume d’entraînement et charge totale soulevée

Le groupe full-body a enregistré un volume total d’entraînement supérieur de 16 % à celui du groupe split-body. Ce facteur est important, car un volume de travail plus élevé est souvent corrélé à une dépense énergétique accrue. Cette différence s’explique en partie par la structure même du programme full-body, qui permet un recrutement plus fréquent de grands groupes musculaires comme les quadriceps, ischio-jambiers, pectoraux et dorsaux, favorisant une dépense calorique accrue.

En moyenne, la charge soulevée cumulée sur l’ensemble de l’étude a été significativement plus importante pour le groupe full-body, ce qui confirme que ce programme permet d’accumuler plus de travail musculaire par semaine, malgré une intensité et un volume de séries identiques entre les groupes.

Fatigue musculaire et récupération

L’un des éléments les plus marquants de cette étude concerne la fatigue musculaire perçue (DOMS). Contrairement à l’idée reçue selon laquelle l’entraînement full-body induirait une plus grande fatigue musculaire en raison de sollicitations répétées, les données montrent que ce groupe a signalé des niveaux de fatigue inférieurs à ceux du groupe split-body.

L’évaluation du DOMS à 24 heures après les séances d’entraînement a révélé que les participants du groupe full-body ont déclaré une perception de la douleur musculaire inférieure de 15 à 20 % en moyenne par rapport au groupe split-body. Cette différence était encore plus marquée lors de la première semaine, suggérant une meilleure adaptation du système musculaire et nerveux à l’effort en raison de la récurrence des sollicitations.

De plus, une corrélation modérée à forte a été observée entre le niveau de fatigue musculaire et la prise de masse grasse (coefficients entre 0,37 et 0,49, p < 0.05), suggérant que les participants ayant rapporté plus de douleurs musculaires étaient aussi ceux ayant eu moins de progrès en termes de perte de masse grasse.

Ces résultats remettent en question l’idée selon laquelle plus de fatigue musculaire est nécessairement bénéfique pour la perte de graisse, et indiquent qu’un programme équilibré permettant une bonne récupération musculaire peut être plus efficace pour favoriser la dépense énergétique et l’oxydation des lipides.

Discussion et interprétation des résultats

Les résultats de l’étude indiquent clairement que l’entraînement en full-body est plus efficace que l’entraînement en split-body pour favoriser la perte de masse grasse chez des pratiquants de musculation bien entraînés. Plusieurs mécanismes physiologiques peuvent expliquer cette différence :

Augmentation de la dépense énergétique totale

L’entraînement en full-body sollicite plusieurs groupes musculaires à chaque séance, ce qui entraîne une plus grande consommation d’énergie par rapport à des séances ciblant un nombre restreint de muscles. Selon plusieurs études, l’entraînement sollicitant de grandes masses musculaires engendre une dépense calorique plus élevée (Schuenke et al., 2002). Dans cette étude, le volume total d’entraînement était 16 % plus élevé dans le groupe full-body, ce qui a probablement contribué à une plus grande dépense énergétique cumulée sur l’ensemble de la semaine.

Effet thermique accru

L’effet thermique de l’exercice (ETE) est un facteur clé dans la régulation de la balance énergétique. Un entraînement en full-body mobilise plus de fibres musculaires et nécessite davantage de ressources métaboliques, ce qui pourrait entraîner une augmentation de l’ETE post-entraînement. D’après Hackney et al. (2008), un entraînement mobilisant l’ensemble du corps peut élever le métabolisme de repos pendant plus de 24 heures après la séance.

Impact sur la lipolyse et l’oxydation des graisses

Les études ont montré que l’exercice à haute intensité induit une mobilisation accrue des acides gras via l’activation des catécholamines, en particulier l’adrénaline et la noradrénaline. Dans le cadre de cette étude, la sollicitation plus fréquente des muscles pourrait avoir amplifié cette réponse hormonale, favorisant ainsi une oxydation plus importante des graisses tout au long de la journée.

Réduction du stockage de graisse due à une meilleure régulation hormonale

L’entraînement en résistance influence les niveaux de plusieurs hormones impliquées dans la régulation de la masse grasse, notamment l’insuline, le cortisol et la testostérone. Un programme full-body, en raison de sa nature plus intensive et de la stimulation musculaire répétée, pourrait améliorer la sensibilité à l’insuline et réduire le stockage des graisses en augmentant l’utilisation des acides gras comme source d’énergie.

Influence du volume d’entraînement sur la composition corporelle

L’un des résultats les plus marquants de cette étude concerne la relation entre volume d’entraînement et perte de masse grasse. Contrairement à l’idée selon laquelle un volume plus élevé entraînerait une fatigue accrue et un impact négatif sur la récupération, les participants du groupe full-body ont réalisé plus de volume total tout en signalant une fatigue musculaire moindre.

  • Une meilleure répartition de la charge de travail : En répartissant le volume d’entraînement sur l’ensemble de la semaine avec une sollicitation musculaire plus fréquente, les pratiquants du groupe full-body ont pu réaliser plus de travail total par semaine sans compromettre leur capacité de récupération.
  • Une diminution de l’effet cumulatif de la fatigue locale : Contrairement aux séances split-body qui exposent certains groupes musculaires à une charge de travail élevée en une seule séance, le programme full-body a permis d’étaler la fatigue musculaire sur plusieurs jours, limitant ainsi les courbatures et le besoin de récupération prolongée.

Cette observation est cohérente avec plusieurs recherches antérieures indiquant qu’un entraînement à haute fréquence permet de maintenir une meilleure qualité d’entraînement sur la durée. D’après McLester et al. (2003), une répartition du volume en plusieurs sessions hebdomadaires améliore la récupération et réduit les pertes de performance d’une séance à l’autre.

Impact de la fatigue musculaire sur la performance et la récupération

L’un des aspects les plus surprenants de cette étude est la corrélation entre la perception de la fatigue musculaire et la perte de masse grasse. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle un entraînement intense entraîne forcément une plus grande perte de masse grasse, les résultats suggèrent que moins de fatigue musculaire est associé à une plus grande perte de graisse.

  • Fatigue et récupération nerveuse : Une fatigue musculaire excessive peut altérer la capacité de contraction des fibres musculaires et réduire l’intensité de l’entraînement lors des séances suivantes. En limitant cette fatigue, le groupe full-body a probablement maintenu une intensité plus élevée sur l’ensemble des séances, favorisant un stimulus plus efficace pour la dépense énergétique.
  • Impact sur la dépense énergétique post-entraînement : L’accumulation excessive de fatigue peut réduire le niveau d’activité spontanée et la dépense énergétique totale en dehors des séances d’entraînement. Plusieurs études (Chambers et al., 2018) ont montré qu’un entraînement engendrant une fatigue excessive peut entraîner une compensation par une réduction de l’activité quotidienne, ce qui pourrait expliquer la moindre perte de graisse dans le groupe split-body.

Ces résultats confirment l’intérêt d’une gestion optimale de la fatigue musculaire dans les programmes d’entraînement visant la recomposition corporelle.

Comparaison avec d’autres études

Les résultats de l’étude de Carneiro et al. (2024) s’inscrivent dans la continuité d’autres recherches ayant comparé l’impact des programmes full-body et split-body sur la composition corporelle. Cependant, certaines études ont abouti à des conclusions légèrement différentes. Schoenfeld et al. (2015) ont trouvé que les gains musculaires étaient similaires entre les programmes full-body et split-body, mais n’ont pas observé de différence significative en termes de perte de masse grasse. Une explication possible est que ces études se sont principalement concentrées sur des débutants ou intermédiaires, chez qui les effets hormonaux et métaboliques sont moins marqués. Enfin, Hackett et al. (2016) ont montré que la fréquence d’entraînement joue un rôle clé dans l’adaptation métabolique et la régulation de la balance énergétique. Cette étude a révélé que les pratiquants s’entraînant 4 à 5 fois par semaine en full-body avaient un métabolisme de repos plus élevé par rapport aux pratiquants en split-body.

Limites et perspectives futures

Bien que cette étude apporte des éléments de réponse intéressants, certaines limites doivent être prises en compte :

  • Taille de l’échantillon relativement réduite : Avec seulement 23 participants, il est difficile d’extrapoler ces résultats à une population plus large, en particulier aux pratiquants féminins ou aux athlètes d’élite.
  • Durée limitée de l’étude (8 semaines) : La différence observée en termes de perte de masse grasse est significative, mais elle reste modérée en raison de la durée relativement courte de l’intervention. Une étude de plus longue durée permettrait de mieux évaluer les adaptations physiologiques à long terme.
  • Absence de mesures de dépense énergétique réelle : L’étude ne quantifie pas directement la dépense calorique totale ni le métabolisme basal des participants. L’ajout de mesures précises via calorimétrie indirecte pourrait fournir des données complémentaires sur les mécanismes sous-jacents.

Conclusion

L’étude de Carneiro et al. (2024) apporte des données précieuses sur l’efficacité relative des programmes full-body et split-body en termes de perte de masse grasse. Les résultats semblent suggérer que l’entraînement full-body est plus efficace pour favoriser la réduction de la masse grasse tout en limitant la fatigue musculaire.

Liste des Références Scientifiques

L’étude complète

Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :

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