Introduction
Faut-il pousser ses limites jusqu’à l’échec à chaque séance d’entraînement pour maximiser les gains, ou bien est-il préférable d’adopter une approche d’intensité relative, évitant ainsi l’échec musculaire pour favoriser la progression sur le long terme ? Cette question divise athlètes, entraîneurs et chercheurs en sciences du sport, chacun défendant sa propre théorie basée sur des expériences personnelles ou des preuves anecdotiques.
C’est dans ce contexte que l’étude menée par Carroll et al. (2018), intitulée « Divergent Performance Outcomes Following Resistance Training Using Repetition Maximums or Relative Intensity, » apporte une contribution scientifique significative. L’objectif de cette recherche était de comparer les effets de ces deux méthodes d’entraînement sur la performance athlétique, en se concentrant spécifiquement sur des sujets déjà bien entraînés. Cette étude se distingue par sa population cible, des individus ayant une expérience significative en musculation, contrairement à la majorité des recherches qui se penchent sur des sujets débutants ou modérément entraînés.
Les auteurs ont soigneusement conçu leur étude pour évaluer plusieurs paramètres clés de performance, tels que la force isométrique, la hauteur de saut, le développement de la force, ainsi que les mesures de contrainte et de monotonie de l’entraînement. En s’appuyant sur des méthodes rigoureuses et une analyse statistique approfondie, leur travail vise à clarifier l’impact réel des différentes stratégies d’entraînement sur des athlètes hautement préparés.
Comprendre l’Étude
Le but et les questions de recherche
L’étude de Carroll et al. avait pour but principal de comparer les effets de la prescription de charge basée sur l’intensité relative par rapport à celle basée sur les maximums de répétitions. Les chercheurs souhaitaient déterminer quelle méthode conduirait à de meilleures performances, en se concentrant sur des critères spécifiques tels que la sortie de force isométrique, la hauteur de saut, le taux de développement de la force, ainsi que sur l’évaluation de la contrainte et de la monotonie de l’entraînement.
Les hypothèses formulées par les auteurs suggéraient que l’utilisation de l’intensité relative conduirait à des améliorations supérieures des performances, grâce à une gestion plus efficace de la fatigue et à des variations plus importantes dans l’intensité de l’entraînement.
Les participants et la méthodologie
L’étude a impliqué quinze haltérophiles masculins bien entraînés, sélectionnés pour leur expérience d’au moins un an dans le domaine de la musculation. Leur niveau de préparation a été confirmé par leurs performances à l’épreuve de tirage isométrique à mi-cuisse (TIMC), avec une force de crête moyenne de 4403N, soit environ 990 livres (données récoltées grâce au dynamomètre). Cette sélection rigoureuse des participants garantit que les résultats de l’étude sont particulièrement pertinents pour les individus ayant déjà un bon niveau d’entraînement.
Les sujets ont été répartis aléatoirement en deux groupes : le premier groupe a suivi un programme d’entraînement basé sur l’intensité relative, tandis que le second a utilisé des maximums de répétitions. Malgré des différences dans les méthodes de prescription de la charge, les deux groupes ont suivi un programme d’entraînement global similaire, s’étendant sur dix semaines avec trois séances par semaine, complétées par un programme de sprint de base réalisé deux fois par semaine.


L’approche basée sur l’intensité relative impliquait l’utilisation de pourcentages spécifiques de la charge que le sujet était censé pouvoir gérer pour le nombre de séries et de répétitions prescrit, ajustant ainsi l’intensité de l’entraînement en fonction des capacités individuelles et évitant l’échec musculaire. À l’inverse, le groupe utilisant les maximums de répétitions visait l’échec musculaire sur au moins la dernière série de chaque exercice, en s’entraînant à une intensité légèrement supérieure.
Découvrir les résultats
Principaux Résultats
L’étude réalisée par Carroll et al. (2018) a mis en lumière des différences significatives dans les résultats de performance entre les groupes entraînés selon l’intensité relative et ceux suivant des maximums de répétitions. Les principaux résultats montrent que le groupe utilisant l’intensité relative a tendance à obtenir de meilleures performances, notamment en termes d’augmentation de la hauteur de saut et de développement de la force, sans pour autant compromettre les gains de force.

Il est intéressant de noter que, bien que l’entraînement jusqu’à l’échec soit souvent prôné dans les salles de sport pour maximiser les gains, cette étude suggère que l’entraînement à une intensité relative — évitant ainsi l’échec musculaire — peut être plus bénéfique pour améliorer certaines mesures de performance, telles que la puissance et la vélocité. Cela remet en question l’idée largement répandue que l’échec musculaire est un prérequis pour la croissance et l’amélioration de la performance.
En termes de gains de force, les différences n’étaient pas statistiquement significatives entre les groupes, indiquant que l’entraînement jusqu’à l’échec n’est pas supérieur à une approche d’intensité relative pour l’augmentation de la force pure. Cela est particulièrement notable car cela suggère qu’une stratégie d’entraînement moins épuisante et potentiellement moins risquée pourrait produire des résultats comparables en termes de gains de force.
Analyse des trouvailles
L’analyse des résultats de Carroll et al. révèle une perspective nuancée sur l’entraînement de résistance. Premièrement, l’approche par intensité relative favorise une progression plus prévisible et cohérente, suggérant que cette méthode pourrait être plus fiable pour ceux cherchant à améliorer leur performance de manière stable et sécurisée. Cela pourrait être dû à une meilleure gestion de la fatigue, permettant des périodes de récupération plus efficaces et réduisant le risque de surmenage.
De plus, l’augmentation significative de la hauteur de saut et du taux de développement de la force observée dans le groupe d’intensité relative indique que pour les disciplines nécessitant une puissance et une vélocité optimales, s’éloigner de l’échec musculaire pourrait être la stratégie la plus judicieuse. Cela est conforme à l’idée que maintenir une certaine réserve (les fameuses RIR) lors de l’entraînement permet de réaliser les exercices avec une meilleure qualité de mouvement et une vitesse supérieure, deux facteurs cruciaux pour le développement de la puissance.
Il est également important de souligner que l’entraînement jusqu’à l’échec a entraîné un taux de contrainte plus élevé pour le groupe concerné, ce qui pourrait avoir des implications sur le risque de blessures et la durabilité de l’entraînement à long terme. Cette information est cruciale pour les entraîneurs et les athlètes cherchant à optimiser la planification de l’entraînement pour éviter le surmenage et promouvoir une amélioration continue.
Appliquer les connaissances
Que retenir ?
L’intensité relative représente une approche stratégique dans la planification de l’entraînement, qui permet d’optimiser la performance sans pousser le corps jusqu’à l’échec systématique. Cette méthode s’appuie sur l’utilisation prédéterminée d’une charge qu’un individu peut gérer pour un nombre spécifique de répétitions et de séries. En évitant l’échec musculaire, l’entraînement à intensité relative favorise une récupération plus rapide, réduit le risque de blessure et permet une progression plus constante sur le long terme. L’entraînement jusqu’à l’échec peut avoir sa place dans un programme d’entraînement, mais la plupart de votre entraînement devrait s’arrêter au moins 1 à 3 répétitions avant l’échec (1-3RIR). Se rapprocher de l’échec pendant la majeure partie de votre entraînement ne semble pas améliorer vos gains de force, et cela est probablement contre-productif pour augmenter la puissance et le taux de développement de la force. Toutefois, même si ce n’est pas le thème de cette étude, être en mesure de distinguer les RIR demande une certaine expérience et si vous avez du mal à les quantifier, ne vous en préoccupez pas et aller jusqu’à votre propre échec ; retenez surtout que l’intensité se développe au fil des mois/années de pratique et qu’il n’est pas nécessaire de le doser si vous n’arrivez pas à être à l’échec.
Limitations et perspectives
Bien que l’étude de Carroll et al. apporte des éclaircissements précieux sur les effets de l’intensité relative par rapport à l’entraînement jusqu’à l’échec, elle présente certaines limitations. Premièrement, la taille de l’échantillon était relativement petite, ce qui peut limiter la généralisation des résultats à une population plus large. De plus, l’étude se concentrait exclusivement sur des hommes bien entraînés, ce qui soulève des questions quant à l’applicabilité de ces résultats à des athlètes féminines ou à des individus moins expérimentés.
En termes de perspectives futures, il serait bénéfique d’élargir la recherche pour inclure divers groupes démographiques, y compris des athlètes de différents niveaux de condition physique et des femmes, pour comprendre pleinement les implications de l’intensité relative à travers un spectre plus large de la population. De plus, des études comparant directement les réponses hormonales, psychologiques et de récupération entre les méthodes d’entraînement pourraient fournir des aperçus supplémentaires sur la façon dont l’intensité relative influence la progression à long terme.
Conclusion
Au terme de notre exploration détaillée de l’étude « Divergent Performance Outcomes Following Resistance Training Using Repetition Maximums or Relative Intensity » de Carroll et al. (2018), ainsi que des discussions sur l’intensité relative et ses implications pour l’entraînement en musculation, plusieurs points clés émergent. Ces conclusions soulignent l’importance de l’approche scientifique dans l’optimisation des méthodes d’entraînement pour améliorer la performance athlétique et la gestion de la fatigue.
L’intensité relative, comparée à l’entraînement jusqu’à l’échec, offre une méthode potentiellement plus efficace pour augmenter la puissance et la performance sans compromettre les gains de force. Cette approche permet une progression plus prévisible et réduit le risque de surmenage et de blessure, ce qui est crucial pour la durabilité de l’entraînement à long terme. L’étude de Carroll et al. met en lumière l’efficacité de l’intensité relative, surtout pour les athlètes bien entraînés, mais soulève également des questions sur son applicabilité à un public plus large, y compris les femmes et les athlètes de différents niveaux de condition physique.
Il est important de noter que, bien que l’étude de Carroll et al. constitue une base solide, la recherche dans le domaine de l’entraînement de résistance est en constante évolution. Des études futures devraient chercher à explorer les effets de l’intensité relative sur une gamme plus large de populations et à comparer les réponses hormonales, psychologiques et de récupération entre les méthodes d’entraînement. Ces recherches contribueront à affiner notre compréhension et à optimiser les stratégies d’entraînement pour divers objectifs athlétiques.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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