Introduction
Le monde de la musculation est marqué par des débats passionnés sur les causes fondamentales de la prise de poids. À la croisée de ces discussions se trouvent deux modèles théoriques dominants : le modèle de l’équilibre énergétique et le modèle glucides-insuline. Ces modèles influencent non seulement les recommandations diététiques, mais aussi les choix individuels en matière de nutrition. Comprendre leurs fondements est essentiel pour démêler les idées reçues et orienter les pratiques basées sur des données probantes.
Récemment, une étude révolutionnaire menée par Hall et al. (2021) a comparé les effets d’un régime faible en glucides (cétogène) à ceux d’un régime faible en graisses. Les résultats ont surpris : les participants consommaient significativement plus de calories sous le régime cétogène. Cela allait à l’encontre des prédictions du modèle glucides-insuline, qui postule qu’un régime faible en glucides réduit la faim et l’apport calorique. Mais, comme souvent en science, les conclusions ne sont pas définitives. Une réanalyse des données, conduite par Soto-Mota et al. (2024), a relancé le débat en remettant en question certains aspects méthodologiques de l’étude originale.
Résumé de l’étude originale
L’étude initiale de Hall et al. (2021) est une référence dans le domaine. Elle a utilisé un protocole rigoureux pour comparer les régimes alimentaires dans un environnement contrôlé, en suivant 20 participants sur une période d’un mois. Les résultats ont montré une consommation calorique journalière moyenne de 689 ± 73 kcal plus élevée pour le régime cétogène par rapport au régime faible en graisses, avec des effets significatifs observés dès la deuxième semaine.
Cette découverte a remis en question les fondements du modèle glucides-insuline, qui postule que la réduction des glucides entraîne une diminution des niveaux d’insuline, réduisant ainsi la faim et favorisant la perte de poids. Hall et son équipe ont interprété leurs résultats comme un soutien au modèle de l’équilibre énergétique, affirmant que les différences de consommation calorique étaient davantage liées à la densité énergétique des aliments et leur contenu en fibres qu’à l’insuline.
Présentation de l’étude revue
L’étude revue, dirigée par Soto-Mota et al. (2024), vise à explorer une nouvelle dimension de ces résultats en intégrant un facteur souvent négligé : les effets d’adaptation physiologique liés à un changement de macronutriments. Les chercheurs suggèrent que les données originales pourraient être biaisées par des effets dits de « carryover » (effets résiduels), qui faussent les comparaisons entre les régimes. Leur analyse propose une perspective différente, mettant en lumière des adaptations métaboliques qui soutiendraient, selon eux, le modèle glucides-insuline.
Modèles théoriques : Énergie ou insuline, quelle théorie expliquerait mieux la prise de poids ?
Modèle de l’équilibre énergétique
Le modèle de l’équilibre énergétique est une vision classique et largement acceptée dans le domaine de la nutrition. Il repose sur un principe fondamental : le poids corporel est dicté par le rapport entre les calories consommées et celles dépensées. En termes simples, un excès calorique entraîne une prise de poids, tandis qu’un déficit calorique favorise la perte de poids.
Cependant, ce modèle va au-delà du simple concept de « calories ingérées vs calories brûlées ». Les chercheurs comme Hall et al. (2022) soulignent que l’environnement alimentaire moderne joue un rôle central. L’abondance d’aliments ultra-transformés, riches en graisses et en sucres, influence de manière inconsciente notre appétit et notre comportement alimentaire. De plus, le cerveau régule le poids corporel à travers des signaux hormonaux complexes, intégrant des stimuli internes et externes pour ajuster la consommation et la dépense énergétique. Ces facteurs rendent le contrôle du poids bien plus complexe qu’une simple équation calorique.
Modèle glucides-insuline
Le modèle glucides-insuline, en revanche, propose une approche radicalement différente. Selon cette théorie, l’élément central de la prise de poids est l’insuline, une hormone clé dans le métabolisme des glucides. Une consommation élevée de glucides rapides (avec un index glycémique élevé) entraînerait une hausse de l’insuline, favorisant le stockage de l’énergie dans les cellules graisseuses. Cela aurait pour conséquence de diminuer l’énergie disponible pour les tissus actifs, provoquant une augmentation de la faim et une réduction du métabolisme basal.
L’un des défenseurs de ce modèle, Ludwig et al. (2023), explique que l’accumulation de graisses serait la cause, et non la conséquence, de la surconsommation calorique. Bien que séduisante, cette hypothèse repose sur des mécanismes complexes et controversés. Les critiques estiment que le modèle simplifie excessivement les interactions métaboliques et néglige d’autres facteurs, tels que les comportements alimentaires et l’influence de l’environnement.
Méthodes : Une réanalyse des données pour éclairer le débat
Description de l’étude originale
L’étude de Hall et al. (2021) a utilisé un protocole en crossover, où chaque participant suivait les deux régimes pendant deux semaines, servant ainsi de son propre contrôle. Ce design est idéal pour réduire l’influence des variations interindividuelles, telles que la génétique ou le mode de vie. Cependant, il présente une faiblesse : l’absence de période de « washout » entre les régimes. Cela signifie que les effets du premier régime pourraient influencer les résultats du second.

Les deux régimes testés étaient radicalement opposés :
- Un régime faible en graisses, à 75,2 % de glucides et 10,3 % de graisses.
- Un régime cétogène, à 75,8 % de graisses et 10,0 % de glucides.
Les aliments étaient soigneusement contrôlés pour être « minimement transformés ». Les apports caloriques étaient mesurés ad libitum, permettant aux participants de manger autant qu’ils le souhaitaient dans le cadre du régime prescrit.
Réanalyse par Soto-Mota et al.
Soto-Mota et son équipe ont repris ces données pour examiner les effets de carryover. Ils ont analysé les marqueurs métaboliques tels que les cétones et le C-peptide, un indicateur de la sécrétion d’insuline. Leur méthodologie visait à détecter des biais potentiels dans l’étude originale, en particulier liés à l’ordre des régimes suivis par les participants.
Les résultats préliminaires ont révélé que l’ordre des régimes influençait significativement la consommation calorique et les adaptations métaboliques. Par exemple, les participants ayant suivi le régime cétogène en premier consommaient moins de calories que ceux ayant commencé par le régime faible en graisses. Ces résultats soulèvent des questions sur la validité des conclusions initiales de Hall et al.
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