Protéines, leucine, micronutriments : le régime végétalien idéal pour les athlètes ?

Table des matières

Introduction

De plus en plus d’athlètes adoptent un mode de vie basé sur des aliments d’origine végétale, attirés par des raisons éthiques, environnementales ou de santé. Cependant, cette transition n’est pas sans controverse, notamment dans le milieu du bodybuilding. Les régimes végétaliens sont souvent considérés comme sous-optimaux pour le développement musculaire, principalement en raison de la plus faible teneur en protéines, de leur digestibilité réduite et d’un profil en acides aminés essentiels parfois incomplet par rapport aux sources animales. Ces critiques sont renforcées par des observations montrant que les végétaliens consomment généralement moins de protéines que les omnivores (Ciuris et al., 2019; Neufingerl et al., 2021).

Ces affirmations soulèvent une question fondamentale : un régime végétalien peut-il fournir des résultats comparables à un régime omnivore pour des objectifs spécifiques tels que l’hypertrophie musculaire et le développement de la force ? Dans le cadre de la musculation, où les besoins en protéines et en micronutriments sont élevés, cette interrogation est cruciale. L’étude de Goldman et al. (2024), intitulée “Completely Plant-Based Diets That Meet Energy Requirements for Resistance Training Can Supply Enough Protein and Leucine to Maximize Hypertrophy and Strength in Male Bodybuilders: A Modeling Study”, apporte des réponses à cette problématique grâce à une approche de modélisation innovante. Cette étude vise à explorer si un régime végétalien bien conçu peut répondre aux besoins énergétiques, protéiques et micronutritionnels des bodybuilders masculins en phase hors-saison.

Cet article vise à rendre les résultats de cette étude accessibles et compréhensibles pour un public non scientifique, tout en mettant ces conclusions en perspective avec d’autres recherches sur le sujet. Nous aborderons également les implications pratiques pour les intéressés par une alimentation végétalienne et discuterons des limites et des perspectives futures. En décryptant ces données, nous espérons fournir des réponses concrètes et nuancées à une question qui suscite encore des débats dans la communauté du fitness : un régime végétalien peut-il être aussi efficace qu’un régime omnivore ?

Objectifs et hypothèses de l’étude

L’étude menée par Goldman et al. (2024) avait pour objectif principal de déterminer si un régime végétalien bien conçu pouvait répondre aux besoins spécifiques des bodybuilders masculins hors-saison, à savoir maximiser la masse musculaire et la force tout en respectant les recommandations nutritionnelles pour les protéines, la leucine et les micronutriments essentiels. Cette approche s’inscrit dans un contexte où les besoins énergétiques et nutritionnels des athlètes, et en particulier des bodybuilders, sont plus élevés que ceux de la population générale.

Les chercheurs se sont concentrés sur les bodybuilders masculins pour une raison clé : leur masse corporelle moyenne élevée, combinée à des besoins absolus en protéines et en énergie supérieurs, fait de cette population un modèle idéal pour tester les limites d’un régime végétalien. Les bodybuilders hors-saison, période où l’objectif est souvent l’hypertrophie musculaire, consomment généralement un surplus calorique visant à soutenir la croissance musculaire et la récupération. Par conséquent, cette phase représente un cadre optimal pour évaluer si un régime végétalien peut répondre à ces exigences sans nécessiter de supplémentation.

Un aspect essentiel de cette étude était l’exclusion délibérée des suppléments protéiques dans les régimes modélisés. Cela répondait à une croyance répandue selon laquelle les protéines végétales, en raison de leur moindre digestibilité et de leur profil en acides aminés, nécessitent une complémentation pour atteindre des apports suffisants. En excluant ces suppléments, les auteurs ont voulu tester la faisabilité d’un régime entièrement végétalien basé sur des aliments entiers, et non sur des produits transformés ou enrichis.

Contrairement à de nombreuses études qui formulent des hypothèses avant de tester des modèles ou des interventions, les auteurs de cette étude n’ont formulé aucune hypothèse préalable. Leur démarche reposait sur une approche exploratoire, visant à fournir des données objectives sur la capacité d’un régime végétalien à répondre aux besoins des bodybuilders masculins hors-saison. Cette absence d’hypothèse souligne leur intention de laisser les données parler d’elles-mêmes sans biais anticipé.

Méthodologie

Définition de la masse corporelle moyenne des participants

Les auteurs ont extrait une masse corporelle moyenne de 84,5 kg, basée sur une revue systématique de 2023 portant sur des bodybuilders masculins compétitifs. Cette revue incluait 16 études et se concentrait sur des athlètes en phase hors-saison ou ayant une expérience compétitive préalable (Bauer et al., 2023). Cette valeur médiane reflète une population cible représentative, avec des besoins nutritionnels spécifiques pour soutenir la performance et l’hypertrophie musculaire.

Calcul du métabolisme de base (RMR)

Pour estimer le métabolisme de base (RMR, Resting Metabolic Rate), les chercheurs ont utilisé une équation prédictive développée en 2019, reconnue comme étant la plus précise pour les bodybuilders masculins (Tinsley et al., 2019). À partir de cette formule, ils ont obtenu un RMR de 2106 kcal/jour pour la masse corporelle moyenne modélisée.

Estimation des besoins énergétiques totaux

Les besoins énergétiques totaux ont été estimés en multipliant le RMR par un facteur d’activité physique de 1,75, correspondant à la médiane des niveaux d’activité rapportés par 235 bodybuilders masculins hors-saison dans une enquête de 2022 (Hackett, 2022). Ce calcul a permis de déterminer un besoin énergétique quotidien de 3686 kcal/jour.

Ajout d’un surplus calorique

Pour refléter les besoins typiques de la phase hors-saison, les chercheurs ont ajouté un surplus calorique de 15 %, basé sur les recommandations d’une revue de 2020 sur l’hypertrophie musculaire (Aragon et Schoenfeld, 2020). Ce surplus de 553 kcal a porté l’apport énergétique total à 4239 kcal/jour, ce qui est conforme aux pratiques courantes visant à maximiser la croissance musculaire.

Transposition des apports nutritionnels des régimes végétaliens

Les chercheurs ont utilisé les données de l’Adventist Health Study-2, la plus grande étude publiée sur les régimes végétaliens (n = 5694), pour modéliser les apports nutritionnels d’un régime type. Les apports en protéines, glucides, lipides et micronutriments rapportés pour un régime à 2000 kcal/jour ont été proportionnellement ajustés pour atteindre les 4239 kcal/jour modélisés.

Calcul des apports en leucine

Les apports totaux en leucine ont été estimés en supposant que les protéines végétales contiennent en moyenne 7,1 % de leucine (Berrazaga et al., 2019). Ce pourcentage a été appliqué à l’apport total en protéines pour calculer l’apport quotidien en leucine. Les chercheurs ont ensuite réparti cet apport sur quatre repas, conformément aux recommandations pour les bodybuilders hors-saison (Iraki et al., 2019).

Comparaison avec les recommandations nutritionnelles

Les apports modélisés ont été comparés aux recommandations actuelles :

  • Protéines : Le régime devait fournir au moins 1,6 g de protéines par kg de poids corporel par jour, conformément à la déclaration consensuelle du CIO (Maughan et al., 2018).
  • Leucine : Chaque repas devait contenir au moins 2 g de leucine, seuil nécessaire pour maximiser la synthèse des protéines musculaires (Glynn et al., 2010).
  • Micronutriments : Les apports en vitamines et minéraux ont été évalués en fonction des Directives alimentaires américaines 2020-2025.

Rigueur scientifique et limites méthodologiques

Les auteurs ont adopté une méthodologie rigoureuse, mais il est important de noter quelques limites inhérentes à une étude de modélisation. Les données utilisées pour modéliser les apports alimentaires proviennent d’études observationnelles, comme l’Adventist Health Study-2, ce qui pourrait introduire des biais. Par exemple, les réponses aux questionnaires alimentaires peuvent ne pas refléter parfaitement les habitudes alimentaires réelles. De plus, bien que la modélisation exclue délibérément les suppléments, cela ne reflète pas nécessairement les pratiques courantes des bodybuilders, qui utilisent souvent des compléments alimentaires pour optimiser leurs apports.

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