Introduction
Les exercices de musculation peuvent être classés en deux catégories principales : les exercices mono-articulaires, qui impliquent un seul groupe musculaire et une seule articulation (comme le leg extension), et les exercices poly-articulaires, qui sollicitent plusieurs groupes musculaires et articulations (comme la presse à cuisse). Une question fondamentale en musculation est de savoir si la récupération diffère entre ces deux types d’exercices. Cette question est particulièrement pertinente car elle peut influencer la planification des séances d’entraînement pour maximiser les gains musculaires et minimiser les risques de blessures.
Contexte de l’étude et des connaissances actuelles
Contexte de l’étude
La littérature scientifique sur la récupération post-exercice présente des résultats contradictoires. Certaines études suggèrent que les exercices mono-articulaires, comme les extensions de jambes, induisent une récupération plus rapide en raison de la sollicitation d’un nombre limité de groupes musculaires.
D’autres recherches, cependant, indiquent que les exercices poly-articulaires peuvent entraîner une récupération plus prolongée en raison de la sollicitation de plusieurs groupes musculaires et d’articulations. De Camargo et al. (2020) ont constaté que les exercices comme les squats induisent des douleurs musculaires et un gonflement prolongés par rapport aux extensions de jambes (leg extension).
L’étude de Dourado et al. (2023) se distingue par son approche méthodologique rigoureuse et son design intra-sujet. Les chercheurs ont comparé la récupération après des séances de presse à cuisses et de leg extension en mesurant des marqueurs indirects de dommages musculaires tels que le torque musculaire (ou couple musculaire), le gonflement musculaire (augmentation temporaire du volume du muscle) et la performance au saut. Cette étude est particulièrement intéressante car elle explore la spécificité de la récupération en fonction du type d’exercice, fournissant ainsi des aperçus précieux pour la planification de l’entraînement en musculation.
Hypothèses des chercheurs
Les chercheurs ont émis l’hypothèse que les dommages musculaires seraient plus prolongés dans le vastus lateralis (un muscle du quadriceps) et que les métriques de performance seraient affectées plus longtemps après la presse ) cuisses (exercice poly-articulaires) comparé au leg extension (exercice mono-articulaire). Cette hypothèse est basée sur l’idée que les exercices poly-articulaires, sollicitant plusieurs groupes musculaires et articulations, pourraient induire une récupération plus lente en raison de l’ampleur des dommages musculaires et de la fatigue générée.
Méthodologie
Participants
L’étude a recruté 14 hommes en bonne santé, âgés de 18 à 35 ans, qui n’avaient pas pratiqué de musculation depuis au moins six mois avant l’étude. Les caractéristiques des participants incluent l’âge, le poids, la taille et l’indice de masse corporelle (IMC).
Conception de l’étude L’étude a adopté un design intra-sujet, où chaque participant a effectué des extensions de jambes (leg extension) avec une jambe et de la leg press (presse à cuisses) avec l’autre jambe. Ce design permet de contrôler les variables individuelles en comparant directement la récupération des deux types d’exercices chez le même individu. Les séances d’entraînement comprenaient 8 séries de 10 répétitions pour chaque exercice, avec des charges représentant 90% de leur 10RM pour les trois premières séries et 70% de leur 10RM pour les cinq séries suivantes.
Procédures expérimentales
Les participants ont visité le laboratoire à huit reprises. Les deux premières visites ont été consacrées à la détermination des 10RM pour les extensions de jambes et la presse à cuisses. Lors de la troisième visite, les mesures de base des marqueurs de dommages musculaires ont été prises avant l’entraînement. Les participants ont ensuite réalisé les séances d’entraînement (8 x 10 répétitions) et les mesures ont été répétées immédiatement après. Les mesures de récupération ont ensuite été effectuées 24, 48, 72 et 96 heures après la séance d’entraînement pour évaluer la cinétique de la récupération.
Mesures des résultats
Les marqueurs de dommages musculaires comprenaient :
- Torque musculaire (couple musculaire) des jambes : il s’agit ici, de mesurer avec un dynamomètre isocinétique la force de rotation produite par les muscles autour de l’articulation. Par exemple, lors de l’extension de jambe, le torque musculaire mesurerait la force générée avec le quadriceps.
- Gonflement musculaire : Il est évalué par échographie pour mesurer l’épaisseur du rectus femoris et du vastus lateralis. Cela fait référence à l’augmentation temporaire du volume du muscle après un exercice intense. Cela est principalement dû à l’accumulation de fluides dans les tissus musculaires, souvent en réponse à des micro-déchirures des fibres musculaires et à l’inflammation qui en résulte. Par ailleurs, le gonflement est une partie normale du processus de réparation et de croissance musculaire.
- Performance au saut : Mesurée à l’aide d’un saut en contre-mouvement pour évaluer la hauteur et la puissance du saut.
Résultats
Le couple musculaire
Les résultats ont montré une diminution significative du couple des jambes immédiatement après les deux types d’exercices (p = 0,01 pour les deux). Le torque (ou couple musculaire) est resté significativement inférieur aux niveaux de base jusqu’à 48 heures après la presse à cuisse, alors qu’il est revenu à des niveaux non significativement différents des niveaux de base 24 heures après les leg extensions. Ces résultats suggèrent que la récupération de la force musculaire est plus rapide après les exercices mono-articulaires comparée aux exercices multi-articulaires, bien que les différences ne soient pas statistiquement significatives entre les deux types d’exercices.
Gonflement musculaire
Les deux types d’exercices ont entraîné un gonflement musculaire significatif. Les valeurs d’épaisseur du rectus femoris sont revenues à des niveaux non significativement différents des niveaux de base 48 heures après les leg extensions, tandis que pour la presse à cuisses, ces valeurs n’étaient plus significativement élevées par rapport aux niveaux de base après 96 heures. En revanche, le gonflement du vastus lateralis a diminué plus rapidement après la presse à cuisses (24 heures) comparé aux leg extensions (48 heures). Ces résultats montrent une spécificité de la récupération musculaire selon le muscle et l’exercice.
Performance au saut
La hauteur et la puissance du saut sont revenues à des niveaux non significativement différents des niveaux de base 24 heures après les leg extensions, alors qu’elles n’ont été restaurées qu’après 48 heures pour la presse à cuisses. Cela indique que la performance au saut est affectée plus longtemps par les exercices poly-articulaires.
Interprétation des Résultats
Synthèse des conclusions de Dourado et al.
Dourado et al. ont conclu que les individus tendent à récupérer plus rapidement leurs performances de saut en contre-mouvement et leur force maximale après une séance de leg extension comparée à une séance de presse à cuisses. Bien qu’il n’y ait pas de différences statistiquement significatives entre les conditions, les données suggèrent légèrement que les exercices poly-articulaires peuvent nécessiter une récupération plus longue. Cependant, cette conclusion doit être nuancée par le fait que de nombreux autres facteurs peuvent influencer le temps de récupération, tels que la proximité à l’échec, le volume total, et l’expérience des lifteurs/pratiquants.
Discussion sur les facteurs influençant la récupération
La récupération après l’entraînement peut être influencée par plusieurs facteurs :
- Proximité à l’échec : Plus un exercice est réalisé proche de l’échec, plus le temps de récupération peut être long.
- Volume total : Un volume d’entraînement plus élevé peut entraîner une récupération plus lente.
- Spécificité de l’exercice : La nature spécifique de l’exercice (mono-articulaire vs. poly-articulaires) peut affecter différents muscles de manière distincte.
- Expérience des lifteurs : Les pratiquants plus expérimentés peuvent récupérer plus rapidement en raison de leur adaptation à l’entraînement.
Autres recherches et pistes pour identifier les marqueurs relatifs à la récupération
Études complémentaires
D’autres études ont également exploré les différences de récupération entre exercices mono-articulaires et poly-articulaires. Par exemple, de Camargo et al. (2020) ont observé que les exercices comme les squats induisent des douleurs musculaires et un gonflement prolongés par rapport aux exercices comme les extensions de jambes. De même, Soares et al. (2015) ont trouvé que le pic du couple musculaire des biceps revenait à la normale plus rapidement après un curl pupitre comparé à une séance de tirage horizontal.
Récupération et entraînement jusqu’à l’échec
L’entraînement jusqu’à l’échec peut prolonger le temps de récupération. Vieira et al. (2022) ont montré que l’entraînement jusqu’à l’échec entraîne une récupération plus lente par rapport à un entraînement avec des répétitions en réserve. De plus, Mangine et al. (2022) ont trouvé que l’entraînement à l’échec augmentait les niveaux de créatine kinase, un biomarqueur de dommages musculaires, de 33 % de plus que l’entraînement avec des répétitions en réserve.
Implications pratiques pour les athlètes et les coachs
Pour optimiser la récupération, les athlètes et les coachs doivent adapter les programmes d’entraînement en fonction des exigences spécifiques de chaque exercice et de la réponse individuelle à l’entraînement.
- Variation des exercices : Incorporer à la fois des exercices mono-articulaires et poly-articulaires dans les programmes d’entraînement peut aider à équilibrer les avantages et les besoins de récupération. Ne mettez pas que des exercices mono-articulaires sous prétexte qu’ils vont améliorer votre récupération.
- Gestion de la charge et du volume : Ajuster les charges et le volume d’entraînement en fonction de la capacité de récupération individuelle. Les athlètes doivent surveiller leurs réponses personnelles aux différents types d’exercices et ajuster leur volume d’entraînement en conséquence. Le dosage du votre volume est souvent ce qui conduit à des difficultés de récupération, donc quantifiez le et observez son impact)
Pour éviter les interférences entre les exercices et maximiser les performances, plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre :
- Séparation des exercices intenses : éviter de programmer des sessions d’entraînement intenses si vous éprouvez des difficultés à récupérer. Par exemple, si vous avez du mal à récupérer sur vos exercices poly-articulaires, segmentez les sur vos différents entraînements.
- Cyclage de l’intensité : vous pouvez alterner des périodes d’entraînement intensif avec des périodes de récupération active ou d’entraînement moins intense pour permettre une récupération adéquate.
- Tracking des données et ajustement : utiliser des outils de suivi comme les logs book ou des tableurs numériques pour évaluer vos performances et surveiller les signes de surmenage et ajuster votre programme en conséquence.
Conclusion
Les principaux enseignements de l’étude de Dourado et al. sont que la récupération après l’entraînement est spécifique à l’exercice et aux muscles sollicités. Les exercices poly-articulaires comme la presse à cuisse peuvent nécessiter une récupération plus longue par rapport aux exercices mono-articulaires comme le leg extension, bien que les différences ne soient pas toujours statistiquement significatives.
Toutefois, il serait intéressant de réaliser des études longitudinales pour examiner la récupération après des entraînements jusqu’à l’échec sur plusieurs semaines. Une telle étude pourrait comparer deux groupes d’athlètes, l’un s’entraînant jusqu’à l’échec et l’autre avec des répétitions en réserve, pour voir si la récupération s’améliore avec le temps grâce à l’effet de répétition sur les exercices poly et mono-articulaires.
Enfin, vous l’aurez compris, la récupération est un processus complexe influencé par de nombreux facteurs, y compris le type d’exercice, le volume d’entraînement et la proximité à l’échec.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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