Introduction
La surcharge excentrique a récemment gagné en popularité, particulièrement dans les sports nécessitant une puissance explosive. Dans ce contexte, une étude récente menée par Munger et al. (2022) a comparé les effets de l’entraînement avec surcharge excentrique et ceux du squat traditionnel. Cette recherche est importante car elle explore les bénéfices potentiels d’une méthode souvent vantée pour sa capacité à stimuler des gains de force plus élevés que les techniques classiques, tout en examinant ses impacts sur la performance au sprint et au saut avec contre-mouvement.
L’objectif de cet article est de rendre cette étude accessible en expliquant les concepts et résultats de manière simple et compréhensible, y compris pour les débutants. Nous allons également examiner la pertinence de cette méthode d’entraînement pour des objectifs de long terme, tout en comparant ses avantages et limites avec des techniques plus traditionnelles.
La surcharge excentrique : un concept clé dans l’entraînement
La surcharge excentrique consiste à augmenter la charge uniquement pendant la phase excentrique d’un exercice. La phase excentrique, ou phase de « descente », se produit lorsque les muscles s’allongent sous tension, comme lors de la descente du squat. Ce type de surcharge est utilisé car les muscles peuvent généralement supporter des charges plus lourdes en phase excentrique qu’en phase concentrique (la montée du mouvement).
Dans le cadre de l’entraînement, on utilise généralement des dispositifs appelés déclencheurs de charge, qui augmentent temporairement la charge pendant la phase excentrique, puis la retirent avant la phase concentrique. L’hypothèse derrière cette méthode est que l’augmentation de la charge en phase excentrique stimule davantage les muscles, ce qui pourrait favoriser des gains de force et de puissance supérieurs à ceux obtenus avec des méthodes d’entraînement plus classiques.
Cependant, cette méthode n’est pas sans défis. La mise en œuvre de la surcharge excentrique demande souvent plus de logistique, de temps et de partenaires d’entraînement pour ajuster les charges entre chaque répétition. Par conséquent, il est important d’examiner dans quelle mesure cette approche est réellement plus efficace que l’entraînement traditionnel.
Objectifs et hypothèses de l’étude
L’objectif principal de l’étude de Munger et al. (2022) était de comparer les effets de la surcharge excentrique et ceux du squat traditionnel sur plusieurs paramètres de performance : la force maximale au squat (1RM), la force excentrique, la hauteur de saut avec contre-mouvement, et la performance au sprint.
Les chercheurs ont divisé les participants en trois groupes : un groupe d’entraînement avec surcharge excentrique, un groupe d’entraînement traditionnel et un groupe non supervisé qui poursuivait son programme d’entraînement habituel. Les chercheurs ont émis l’hypothèse que le groupe avec surcharge excentrique montrerait une amélioration significative de toutes les mesures de performance par rapport aux deux autres groupes, en raison de la charge supplémentaire supportée pendant la phase excentrique.
Méthodologie
Participants
L’étude a recruté 33 hommes ayant au moins un an d’expérience en entraînement et capables de soulever au moins leur poids corporel lors d’un squat. Les participants avaient entre 20 et 35 ans et étaient répartis de manière équilibrée en termes de force de départ pour garantir que les différences de performance observées ne soient pas dues à une disparité initiale dans les niveaux de force.

Structure de l’étude
Les participants ont été assignés à l’un des trois groupes :
- Groupe surcharge excentrique : Ce groupe a effectué des squats avec des charges supplémentaires pendant la phase excentrique grâce à des déclencheurs de charge. La charge totale moyenne (incluant les phases concentrique et excentrique) était équivalente à celle utilisée par le groupe traditionnel.
- Groupe traditionnel : Ce groupe a suivi un programme de squat standard, sans surcharge excentrique.
- Groupe non supervisé : Les participants de ce groupe ont continué leur programme d’entraînement habituel sans aucune supervision ni protocole particulier de surcharge.
Protocole de test
Les tests de performance ont été effectués avant et après les cinq semaines d’entraînement. Les chercheurs ont mesuré plusieurs variables clés :
- Squat 1RM : Pour déterminer la force maximale.
- Squat excentrique 1RM : Une mesure unique dans cette étude, où les participants devaient contrôler la descente de la charge pendant au moins trois secondes.
- Hauteur du saut avec contre-mouvement (CMJ) : Utilisée pour évaluer la puissance musculaire explosive.
- Performance au sprint sur 20 mètres : Le sprint a été décomposé en différentes phases (0-5 m, 5-10 m, 10-20 m) pour analyser des aspects spécifiques de la vitesse.

Les séances d’entraînement dans les groupes surcharge excentrique et traditionnel étaient divisées en trois blocs de progression sur cinq semaines, ajustant les charges et le volume d’entraînement au fil du temps.
Résultats principaux
Force maximale (Squat 1RM)
Les résultats montrent une augmentation significative de la force maximale dans les trois groupes, y compris dans le groupe non supervisé, ce qui reflète l’importance d’un entraînement régulier même sans surcharge excentrique. Cependant, il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre le groupe surcharge excentrique et le groupe traditionnel, ce qui suggère que la surcharge excentrique n’offre pas de bénéfices majeurs supplémentaires par rapport à un entraînement traditionnel sur la force maximale.
Squat excentrique 1RM
Le test de squat excentrique 1RM a montré que les groupes surcharge excentrique et traditionnel ont tous deux enregistré des gains significativement supérieurs à ceux du groupe non supervisé, ce qui souligne l’importance de la supervision et d’un protocole structuré. Cependant, la différence entre la surcharge excentrique et le squat traditionnel était minime (environ 3 % de différence), ce qui remet en question l’avantage net de la surcharge excentrique pour ce paramètre spécifique.

Hauteur du saut avec contre-mouvement (CMJ)
Pour la performance au saut, les groupes surcharge excentrique et traditionnel ont tous deux montré une augmentation significative de la hauteur de saut par rapport au groupe non supervisé. Là encore, la différence entre surcharge excentrique et squat traditionnel était négligeable, avec une différence de seulement 1,25 % en faveur de la surcharge excentrique.

Performance au sprint
Enfin, pour la performance au sprint, aucune différence significative n’a été observée entre les trois groupes. Cela suggère que la surcharge excentrique n’a pas d’impact particulier sur la performance au sprint dans ce cadre d’étude.
Analyse critique des résultats
Absence de différence notable pour le squat 1RM
L’une des conclusions majeures de cette étude est l’absence de différence significative entre la surcharge excentrique et le squat traditionnel en ce qui concerne l’augmentation du squat 1RM. Cette découverte est importante car elle remet en question l’idée selon laquelle la surcharge excentrique offrirait un avantage notable pour le développement de la force maximale. En effet, bien que théoriquement, la surcharge excentrique permette de manipuler des charges plus lourdes pendant la phase excentrique, cela ne semble pas se traduire par une augmentation supérieure de la force maximale comparée à un entraînement traditionnel.
Il est possible que la durée de l’intervention (cinq semaines) soit insuffisante pour révéler des différences significatives dans les gains de force à long terme. Des études plus longues, avec une plus grande diversité de participants, pourraient être nécessaires pour évaluer pleinement l’impact de la surcharge excentrique sur le long terme.
Gains similaires pour la puissance explosive
En ce qui concerne la puissance explosive, mesurée par la hauteur du saut avec contre-mouvement, les résultats montrent également une amélioration similaire entre les deux groupes supervisés. Cela suggère que l’entraînement structuré, qu’il soit basé sur la surcharge excentrique ou non, peut efficacement améliorer la puissance musculaire. Cependant, l’absence de bénéfice supplémentaire lié à la surcharge excentrique, ici encore, soulève des questions sur l’utilité de cette méthode pour ceux qui cherchent à optimiser la performance au saut.
Limites potentielles de l’étude
L’une des limites de l’étude réside dans le fait que les groupes d’entraînement étaient relativement petits (33 participants au total). Avec un échantillon de cette taille, il est possible que certaines différences n’aient pas été détectées en raison d’un manque de puissance statistique. Une étude à plus grande échelle pourrait clarifier ces résultats et fournir des données plus solides sur l’efficacité comparative des deux méthodes.
En outre, bien que l’entraînement excentrique ait été effectué sous supervision, il n’y a pas de précisions sur la qualité de l’exécution des mouvements dans le groupe traditionnel. Il serait intéressant de comparer la qualité de l’exécution des exercices entre les deux groupes, car cela pourrait influencer les résultats finaux en termes de force et de puissance.
État des lieux de la littérature sur la surcharge excentrique
Études soutenant l’avantage de la surcharge excentrique
Une étude menée par Douglas et al. (2018) avait trouvé que la surcharge excentrique permettait d’obtenir des gains de force plus importants que l’entraînement traditionnel, mais cet avantage était lié à une charge excentrique beaucoup plus élevée. Cela remet en question l’équité de la comparaison, puisque l’augmentation de la charge seule peut expliquer ces gains.
D’autre part, l’étude de Cook et al. (2013), qui portait sur des joueurs de rugby, a observé que l’entraînement excentrique améliorait significativement la puissance et la vitesse de course. Cependant, il est important de noter que ces résultats ont été obtenus dans un contexte sportif très spécifique, et peuvent ne pas être généralisables à d’autres populations ou à des objectifs de performance plus larges.
Études remettant en cause les bénéfices à long terme
À l’inverse, plusieurs études, dont celle de Buskard et al. (2018), montrent que les avantages à long terme de la surcharge excentrique sont limités. Cette méta-analyse, qui regroupait plusieurs études longitudinales sur la surcharge excentrique, a conclu que cette méthode ne produisait pas de gains de force significativement plus importants que l’entraînement traditionnel. Les auteurs ont notamment souligné que l’entraînement avec surcharge excentrique peut être difficile à mettre en place de manière pratique en raison des exigences matérielles et logistiques.
Différence entre la surcharge excentrique et l’entraînement excentrique
Il est important de distinguer la surcharge excentrique de l’entraînement excentrique pur. Dans l’entraînement excentrique, les athlètes se concentrent uniquement sur la phase descendante d’un mouvement, sans phase concentrique, alors que la surcharge excentrique implique une charge supplémentaire uniquement pendant la phase descendante, avec une charge allégée pour la montée.
La différence majeure entre les deux approches est que la surcharge excentrique conserve une certaine spécificité par rapport à un mouvement complet (incluant une phase concentrique), tandis que l’entraînement excentrique pur est souvent utilisé dans des protocoles de rééducation ou pour stimuler des gains de force spécifiques à la phase excentrique.
Praticité et mise en œuvre de la surcharge excentrique
Bien que la surcharge excentrique présente un intérêt théorique pour maximiser la charge supportée en phase excentrique, elle reste difficile à mettre en œuvre en pratique, en particulier pour les athlètes s’entraînant dans des salles de sport commerciales. Les dispositifs tels que les déclencheurs de charge, utilisés pour ajouter du poids pendant la phase excentrique, sont rarement disponibles dans les salles de sport classiques et nécessitent souvent un ou deux partenaires d’entraînement pour manipuler la charge entre les répétitions.
Pour les athlètes qui souhaitent tout de même intégrer la surcharge excentrique à leur programme, il est recommandé de s’entraîner dans des environnements bien équipés ou avec l’assistance d’un coach ou de partenaires capables de superviser l’ajout et le retrait des charges.
Conclusion
En conclusion, l’étude de Munger et al. (2022) montre que la surcharge excentrique n’offre pas nécessairement un avantage significatif par rapport à l’entraînement traditionnel en termes de gains de force sur le long terme. Cependant, elle reste une méthode valable pour certains athlètes cherchant à maximiser leur force à court terme ou à stimuler des adaptations spécifiques. Pour les athlètes ou entraîneurs intéressés par cette méthode, il est important de bien comprendre les limitations pratiques et de l’intégrer dans un programme global avec des objectifs clairs.
Il semble donc que la surcharge excentrique puisse être envisagée comme un outil parmi d’autres dans le cadre d’un programme d’entraînement diversifié, plutôt que comme une méthode de référence pour développer la force sur le long terme.
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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