Introduction
La testostérone joue un rôle central dans la santé des hommes. De plus, avec l’âge, les niveaux de testostérone tendent à diminuer, ce qui peut affecter la vitalité et la composition corporelle des hommes. De nombreux hommes cherchent donc à optimiser ou maintenir leurs niveaux de testostérone au fil du temps, que ce soit à travers l’exercice, l’alimentation ou les suppléments.
Dans ce contexte, la caféine, consommée quotidiennement par des millions de personnes à travers le monde, est un sujet d’intérêt croissant. La question qui se pose est la suivante : est-ce que la caféine pourrait affecter les niveaux de testostérone ? Les hommes soucieux de maximiser leurs performances sportives et leur santé globale sont nombreux à s’interroger sur l’impact de cette substance.
L’étude réalisée par Glover et al. en 2022 intitulée « The Association Between Caffeine Intake And Testosterone: NHANES 2013-2014 » tente de répondre à cette question en analysant des données collectées à grande échelle auprès de plusieurs centaines d’hommes. Cet article explore les résultats de cette étude, explique leur signification et discute des implications pour la santé hormonale des hommes.
Le National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) est un programme de recherche national aux États-Unis qui recueille des données de santé et de nutrition auprès d’un échantillon représentatif de la population américaine depuis les années 1960. L’étude NHANES 2013-2014, qui a servi de base à cette recherche, a fourni des informations précieuses sur les habitudes de consommation de caféine et les niveaux de testostérone chez 372 hommes. Les résultats de cette étude, bien que complexes et parfois contradictoires, sont essentiels pour comprendre comment la caféine pourrait influencer la production de testostérone chez les hommes.
Objectifs et hypothèses de l’étude
Objectif principal de l’étude
L’objectif de l’étude menée par Glover et ses collègues était de quantifier la relation entre la consommation de caféine et les niveaux de testostérone dans le sang des hommes. Pour ce faire, ils ont analysé les niveaux de caféine et de ses métabolites dans l’urine, puis les ont mis en corrélation avec les taux de testostérone sanguins des participants.
Hypothèses des chercheurs
Les chercheurs ont émis l’hypothèse que la consommation de caféine aurait un impact sur les niveaux de testostérone, mais ils ne se sont pas engagés à dire si cet effet serait positif ou négatif. Il était possible que l’étude révèle des associations aussi bien dans un sens que dans l’autre.
Méthodologie
Les participants de l’étude
L’analyse a été effectuée sur les données de 372 hommes, sélectionnés parmi les 10 175 participants de la cohorte NHANES 2013-2014. Les chercheurs ont exclu les femmes, les personnes de moins de 18 ans et tous ceux pour lesquels des données essentielles manquaient. Ainsi, seuls les hommes adultes avec des données complètes concernant leur testostérone, leur consommation de caféine (via les métabolites urinaires) et diverses informations démographiques ont été inclus.
Collecte de données
Les participants se sont rendus en laboratoire après un jeûne nocturne. Ils ont fourni un échantillon d’urine pour l’analyse des métabolites de la caféine, ainsi qu’un échantillon de sang pour mesurer leurs niveaux de testostérone. Des données anthropométriques (comme l’indice de masse corporelle) ont été recueillies, ainsi que des informations démographiques et des habitudes de santé (tabagisme, consommation d’alcool, etc.).
Les niveaux de créatinine urinaire ont également été mesurés pour ajuster les résultats en fonction de la fonction rénale, ce qui peut influencer l’élimination des métabolites de la caféine.
Modèles statistiques utilisés
Les chercheurs ont utilisé plusieurs méthodes statistiques pour analyser les données. D’abord, des ANOVAs ont été utilisés pour comparer les niveaux de testostérone entre les quartiles de consommation de caféine. Ensuite, ils ont effectué des analyses de régression multiple pour explorer les relations entre chaque métabolite de la caféine et les niveaux de testostérone, en tenant compte de divers facteurs de confusion tels que l’âge, le tabagisme et l’IMC.
Enfin, des modèles de régression logistique ont été construits pour déterminer si la consommation de caféine augmentait le risque de testostérone basse (définie dans cette étude comme étant inférieure à 300 ng/dL).
Résultats
Caféine et testostérone : une association complexe
Les résultats de l’étude montrent que, globalement, la consommation de caféine est négativement associée aux niveaux de testostérone. En d’autres termes, des concentrations plus élevées de caféine dans l’urine étaient associées à des niveaux plus bas de testostérone dans le sang. Cependant, cette relation n’était pas linéaire, et les variations entre les différents groupes n’étaient pas toujours cohérentes.

Par exemple, les niveaux de testostérone dans les quartiles 1 à 3 étaient assez similaires, autour de 430-440 ng/dL, mais le quartile 4, représentant les consommateurs de caféine les plus élevés, avait un niveau moyen de testostérone de 398 ng/dL, soit une baisse notable. Bien que cette différence puisse sembler significative, elle reste modeste dans le contexte des fluctuations normales de la testostérone.
Résultats des métabolites
L’étude a également examiné l’association entre la testostérone et 14 métabolites différents de la caféine. Parmi ceux-ci, 10 métabolites étaient associés à une diminution des niveaux de testostérone, tandis que 3 métabolites étaient associés à une augmentation des niveaux de testostérone. Ce mélange de résultats souligne la complexité de la relation entre la caféine et les hormones.

Parmi les métabolites les plus intéressants, la théobromine (un dérivé de la caféine également présent dans le chocolat) a montré des effets ambivalents, avec une corrélation négative dans les groupes de consommation modérée, mais pas dans les groupes à consommation élevée ou faible.
Incohérences dans les résultats
Un autre élément marquant de cette étude est l’incohérence des résultats selon les quartiles. Dans certains cas, les groupes ayant une consommation moyenne de caféine avaient des niveaux de testostérone plus bas que ceux ayant une consommation faible ou élevée. Cette variabilité rend difficile de tirer des conclusions nettes quant à l’effet de la caféine sur les niveaux hormonaux.
Pas de lien clair avec un faible taux de testostérone
Les analyses de régression logistique n’ont pas révélé de relation statistiquement significative entre la consommation de caféine et un risque accru de testostérone basse (<300 ng/dL). Autrement dit, selon ces données, consommer plus ou moins de caféine ne semble pas augmenter significativement le risque d’avoir un taux de testostérone considéré comme cliniquement bas.
Discussion
La complexité de l’association entre caféine et testostérone
Les résultats de cette étude illustrent la complexité des relations entre la caféine et les niveaux de testostérone. Bien que la consommation de caféine soit associée à une légère baisse de la testostérone dans certains cas, cette relation n’est ni simple ni constante.
Il est possible que des facteurs externes, comme le sommeil, jouent un rôle médiateur dans cette relation. Par exemple, un excès de caféine, surtout en fin de journée, pourrait perturber le sommeil, ce qui pourrait ensuite entraîner une baisse de la testostérone, sachant que le sommeil est crucial pour la production hormonale.
Problèmes méthodologiques
Il est important de souligner que cette étude présente plusieurs limitations méthodologiques. Tout d’abord, les données sur la consommation de caféine proviennent d’échantillons d’urine pris à un moment donné, ce qui ne donne qu’une vision partielle des habitudes de consommation à long terme. De plus, les habitudes de sommeil, qui peuvent être directement influencées par la consommation de caféine, n’ont pas été prises en compte.
Implications pratiques
Sur la base des résultats de cette étude, voici quelques recommandations pratiques pour ceux qui s’inquiètent de l’effet de la caféine sur leurs niveaux de testostérone :
Surveillez d’autres facteurs influents : L’alimentation, le sommeil, l’exercice physique et la gestion du stress sont tous des éléments clés pour maintenir des niveaux optimaux de testostérone. Assurez-vous de ne pas négliger ces aspects avant de questionner votre consommation de caféine.
Ne pas paniquer : La consommation modérée de caféine ne semble pas avoir d’impact significatif sur la testostérone pour la plupart des hommes. Si vous consommez du café ou d’autres boissons contenant de la caféine, il n’y a pas de preuve solide que cela réduira considérablement vos niveaux hormonaux.
Soyez attentif à votre consommation de caféine le soir : La perturbation du sommeil peut avoir un effet plus direct sur la testostérone que la consommation de caféine en elle-même. Limiter la caféine dans l’après-midi ou en soirée pourrait être plus bénéfique pour votre santé hormonale surtout si vous avez des effets marqués (concentration, dynamisme, éveil prolongé,…).
Ne comptez pas trop sur la caféine pour booster vos niveaux d’énergie : Si vous constatez une baisse d’énergie ou de vitalité, il serait préférable de chercher des solutions à long terme comme une amélioration du sommeil, de la nutrition et de la gestion du stress plutôt que de simplement augmenter votre consommation de caféine.
Conclusion
Les résultats de l’étude menée par Glover et al. (2022) mettent en évidence une association complexe entre la consommation de caféine et les niveaux de testostérone. Bien que certaines données suggèrent une légère baisse des niveaux de testostérone chez les plus gros consommateurs de caféine, les résultats ne sont pas suffisamment cohérents pour conclure de manière définitive que la caféine est directement responsable de cette baisse.
L’un des aspects les plus notables de l’étude est l’absence de lien clair entre la consommation de caféine et un risque accru de testostérone basse (<300 ng/dL), ce qui remet en question la pertinence d’une réduction de la caféine pour éviter une déficience en testostérone.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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