Protéines et polyphénols : Une combinaison gagnante pour la musculation ?

Table des matières

Introduction

Les protéines, reconnues pour leur rôle essentiel dans la réparation et la croissance des tissus musculaires, sont au centre de nombreuses stratégies nutritionnelles. Cependant, au-delà des protéines, une attention croissante est portée sur les polyphénols, des composés naturels présents dans les fruits, les légumes, et autres plantes, pour leur capacité potentielle à améliorer la récupération musculaire et réduire l’inflammation post-exercice.

Les polyphénols, que l’on trouve en abondance dans des aliments comme la grenade et la cerise sont particulièrement intéressants pour leur propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Ces composés sont capables de neutraliser les radicaux libres produits lors de l’exercice intense, qui peuvent autrement entraîner des dommages oxydatifs au niveau des cellules musculaires. En réduisant ces dommages, les polyphénols pourraient théoriquement améliorer la récupération, permettre un entraînement plus intense, et potentiellement conduire à de meilleurs gains musculaires sur le long terme.

Cependant, malgré l’intérêt croissant pour les polyphénols dans le domaine de la nutrition sportive, une question clé reste posée : l’ingestion régulière de polyphénols, en complément d’un apport protéique suffisant, peut-elle réellement améliorer les gains musculaires à long terme ? C’est précisément cette question que l’étude menée par Pavis et al. (2022) a cherché à explorer.

Objectifs et Hypothèses

Objectifs de l’étude

L’objectif principal de l’étude menée par Pavis et ses collègues était d’évaluer si la supplémentation en protéines et polyphénols pouvait accélérer les adaptations musculaires au cours de la phase initiale d’un programme d’entraînement en résistance, tout en augmentant les gains musculaires et la fonction musculaire sur la durée totale de l’intervention. Les chercheurs cherchaient également à déterminer si la synthèse des protéines musculaires mesurée avant et après l’entraînement était corrélée aux adaptations musculaires observées après 10,5 semaines de résistance.

Plus spécifiquement, l’étude visait à explorer deux questions clés :

  • La supplémentation en protéines-polyphénols accélère-t-elle les améliorations fonctionnelles musculaires pendant les premières semaines d’entraînement ?
  • Ces améliorations précoces sont-elles associées à une synthèse des protéines musculaires plus élevée et à une augmentation du volume musculaire et de la surface transversale des fibres musculaires ?

Hypothèses

Les chercheurs ont émis plusieurs hypothèses avant de commencer l’étude. Ils ont postulé que la supplémentation en protéines-polyphénols accélérerait les améliorations de la fonction musculaire au cours de la phase initiale de l’entraînement, c’est-à-dire pendant les dix premières séances, qui représentent environ trois semaines. Ils ont également émis l’hypothèse que cette amélioration précoce serait associée à des taux plus élevés de synthèse des protéines musculaires après l’entraînement et à une augmentation plus importante du volume des quadriceps et de la surface transversale des fibres musculaires.

Méthodologie

Participants

L’étude a recruté 32 participants actifs, répartis de manière égale entre hommes et femmes. Pour être inclus dans l’étude, les participants devaient respecter plusieurs critères : une consommation de protéines comprise entre 0,8 et 1,6 g/kg/jour, l’absence de blessures musculo-squelettiques ou de troubles métaboliques et cardiovasculaires, et une absence d’entraînement en résistance structuré (plus de deux fois par semaine) ou d’entraînement d’endurance intensif (plus de six heures par semaine) au cours des six mois précédant l’étude. Trois participants ont abandonné l’étude avant la fin, laissant 14 participants dans le groupe placebo et 15 dans le groupe supplémenté pour l’analyse finale.

Conception de l’étude

Les participants ont été répartis aléatoirement en deux groupes. Le groupe expérimental a consommé un supplément de protéines et de polyphénols après chaque séance d’entraînement (20 g de protéines et 650 mg d’extrait de grenade) et avant le coucher (18 g de protéines et 480 mg d’extrait de cerise acide). Ce supplément a permis au groupe expérimental d’atteindre un apport quotidien en protéines situé dans la plage recommandée pour les pratiquants de musculation (1,6-2,2 g/kg/jour), conformément aux résultats de la méta-analyse de Morton et al. (2018). Le groupe placebo a consommé une boisson isocalorique à base de maltodextrine aux mêmes moments, maintenant leur apport protéique en dessous de cette plage (1,2-1,5 g/kg/jour).

Avant de commencer l’intervention, les participants ont complété deux sessions de familiarisation pour s’habituer à l’exercice d’extension des jambes et aux procédures de test. Pendant les 10,5 semaines de l’étude, les participants ont réalisé 30 sessions d’entraînement unilatéral en résistance (leg extension – extension de la jambe à la machine guidée), avec environ trois séances par semaine. Chaque séance comprenait cinq séries de 30 actions musculaires maximales, alternant entre des contractions concentriques et excentriques. Une jambe servait de contrôle non entraîné, permettant une comparaison directe des adaptations musculaires induites par l’entraînement.

Mesures et analyses

Les chercheurs ont utilisé une variété de méthodes pour mesurer les adaptations musculaires au fil du temps. La synthèse des protéines musculaires a été mesurée sur une période de 48 heures à deux moments clés : après la première séance d’entraînement et à la fin de l’étude. Pour garantir la validité de ces mesures, l’alimentation des participants était strictement contrôlée pendant ces périodes de 48 heures.

Des biopsies musculaires et des IRM des cuisses ont été réalisées avant et après l’intervention pour évaluer l’hypertrophie musculaire. La force isométrique et isocinétique maximale des quadriceps a été mesurée toutes les trois sessions d’entraînement. Les chercheurs ont également évalué la fonction musculaire (travail total lors d’une série de 30 extensions des jambes) et ont recueilli des journaux alimentaires toutes les six sessions. Enfin, la douleur musculaire a été évaluée à plusieurs moments de l’étude à l’aide d’une échelle visuelle analogique de 100 mm.

Résultats

Apports alimentaires

En termes d’apports alimentaires, l’étude a révélé que les apports en glucides et en lipides n’étaient pas significativement différents entre les groupes. Dans le groupe supplémenté, l’apport en protéines est resté dans la plage recommandée pour les pratiquants de musculation, fluctuants entre 1,7 et 1,8 g/kg/jour. En revanche, dans le groupe placebo, l’apport en protéines est resté en dessous de cette plage, avec des valeurs variant entre 1,2 et 1,5 g/kg/jour.

Sessions d’entraînement

Les données relatives aux sessions d’entraînement ont montré que le travail total réalisé au cours des sessions a augmenté d’environ 20 % pendant la phase précoce de l’entraînement, sans différence significative entre les groupes. Cette augmentation s’est poursuivie pendant la phase tardive de l’entraînement, mais à un rythme plus lent, d’environ 5 à 10 %. Là encore, la supplémentation n’a pas eu d’impact significatif sur ce taux de progression. En ce qui concerne la douleur musculaire, elle a significativement augmenté lors de la deuxième session d’entraînement (passant d’environ 3-4 mm à environ 7-9 mm), réalisée 48 heures après la première session. Cependant, la douleur est revenue à son niveau de base dès la troisième session, et les valeurs de douleur n’ont pas été significativement influencées par la supplémentation.

Fonction et force musculaires

Les résultats de l’étude ont montré une augmentation significative du couple isométrique pendant la phase précoce de l’entraînement, mais aucune augmentation significative entre la fin de la phase précoce (session 10) et la fin de la phase tardive (session 30). Le couple isocinétique n’a pas changé de manière significative au cours de la phase précoce ou tardive de l’entraînement, et aucune des valeurs de couple isométrique ou isocinétique n’a été significativement influencée par la supplémentation.

Cependant, il y a eu un effet d’interaction significatif pour la fonction musculaire (travail total lors d’une série de 30 extensions des jambes) pendant la phase précoce de l’entraînement. Dans le groupe placebo, la fonction musculaire de la jambe entraînée, exprimée en pourcentage de la fonction musculaire de la jambe non entraînée du même individu, a diminué de 102,6 ± 3,9 % à 100,8 ± 2,4 %, tandis qu’une augmentation a été observée dans le groupe supplémenté (de 99,9 ± 1,8 % à 107,2 ± 2,4 %). La fonction musculaire a continué à s’améliorer pendant la phase tardive de l’entraînement, mais n’a pas été significativement influencée par la supplémentation. Les résultats des extensions de jambes sur l’ensemble de l’intervention de 10,5 semaines ont montré que l’entraînement a amélioré la fonction musculaire et le couple isométrique maximal, mais ces améliorations n’ont pas été significativement influencées par la supplémentation.

Hypertrophie musculaire

Les résultats relatifs à l’hypertrophie musculaire ont été particulièrement complexes. Au niveau des fibres musculaires, l’étude a évalué l’hypertrophie chez seulement neuf participants de chaque groupe. Globalement, en combinant les fibres de type 1 et de type 2, il y a eu un effet d’interaction statistiquement significatif favorisant le groupe supplémenté, mais cela semble lié à un changement paradoxal dans le groupe placebo. La surface transversale moyenne des fibres de la jambe entraînée a diminué dans le groupe placebo, tandis qu’elle a augmenté dans le groupe supplémenté. Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec prudence, car les groupes ont commencé avec des valeurs de base très différentes, ce qui est inattendu avec ce type de conception d’étude. En outre, le groupe placebo a connu des changements favorables dans les indices d’hypertrophie musculaire (surface transversale et volume musculaire) comparables à ceux du groupe supplémenté, malgré la diminution signalée de la surface transversale des fibres.

Les deux groupes ont connu des augmentations significatives du volume musculaire de la cuisse et du quadriceps ainsi que de la surface transversale du muscle, sans impact significatif de la supplémentation. Ces résultats suggèrent que l’hypertrophie musculaire globale n’a pas été significativement influencée par la supplémentation en protéines-polyphénols, malgré les différences observées au niveau des fibres musculaires spécifiques.

Synthèse des protéines musculaires

En ce qui concerne la synthèse des protéines musculaires, l’étude a révélé que la supplémentation a entraîné des taux de synthèse des protéines myofibrillaires significativement plus élevés que le placebo lors des mesures pré-test, effectuées après la première séance d’entraînement. Cependant, la différence entre les jambes entraînées et non entraînées n’était pas statistiquement significative. De plus, les mesures de la synthèse des protéines lors des pré-tests n’ont pas montré de corrélation significative avec les adaptations musculaires observées à la fin de l’étude.

Lors des mesures post-test, la supplémentation n’a pas eu d’impact significatif sur les taux de synthèse des protéines, mais ces taux étaient significativement plus élevés dans la jambe entraînée par rapport à la jambe non entraînée. Les mesures post-test de la synthèse des protéines étaient significativement corrélées avec la surface transversale des quadriceps mesurée au niveau distal du muscle, ainsi qu’avec la surface transversale des fibres musculaires de type 1 et de type 2, bien que ces dernières corrélations n’aient pas atteint le seuil de signification statistique.

Interprétation des résultats

Synthèse des protéines musculaires ≠ Hypertrophie

L’un des enseignements clés de cette étude est que la synthèse des protéines musculaires à court terme n’est pas un indicateur fiable de l’hypertrophie musculaire à long terme. Cette conclusion, qui a déjà été mise en avant dans la littérature scientifique (Witard et al., 2022), est renforcée par les résultats de l’étude de Pavis et al. (2022). Malgré l’augmentation significative des taux de synthèse des protéines après la première séance d’entraînement chez les participants supplémentés, ces taux n’ont pas prédit les adaptations musculaires observées à la fin de l’intervention. En d’autres termes, une augmentation aiguë de la synthèse des protéines ne garantit pas des gains musculaires à long terme.

Les chercheurs ont noté que les mesures post-test de la synthèse des protéines, prises après 10 semaines d’entraînement, présentaient une meilleure corrélation avec les indices d’hypertrophie musculaire, mais même dans ce cas, les taux de synthèse des protéines ne pouvaient expliquer qu’environ 19 % de la variance dans les résultats d’hypertrophie. Ces résultats suggèrent que les recommandations en matière de nutrition sportive basées uniquement sur les mesures aiguës de la synthèse des protéines doivent être considérées avec prudence et ne peuvent pas remplacer les études longitudinales évaluant directement l’hypertrophie musculaire.

Rôle des polyphénols dans la récupération

Les polyphénols, comme ceux présents dans les extraits de grenade et de cerise utilisés dans cette étude, sont largement reconnus pour leur capacité à faciliter la récupération musculaire à court terme. Cependant, leur impact sur les adaptations musculaires à long terme est moins clair. Dans cette étude, les polyphénols ont favorisé une récupération plus rapide au cours des premières semaines d’entraînement, mais ces effets n’ont pas semblé se traduire par des gains musculaires significatifs à la fin de l’étude.

Il est important de noter que les études qui montrent des effets positifs des polyphénols sur la récupération utilisent souvent des protocoles d’exercice induisant des niveaux élevés de dommages musculaires, ce qui n’était pas le cas dans cette étude. De plus, les effets bénéfiques des polyphénols semblent être limités à des situations où le besoin de récupération est particulièrement élevé, comme lors d’un changement soudain et intense de programme d’entraînement. Dans un contexte d’entraînement quotidien normal, une alimentation équilibrée incluant des fruits et légumes riches en antioxydants devrait fournir suffisamment de polyphénols pour soutenir la récupération, sans nécessiter de supplémentation spécifique.

Recommandations en matière de protéines

L’une des recommandations les plus couramment observées est un apport protéique quotidien de 1,6 à 2,2 g/kg de poids corporel pour maximiser les gains musculaires. Cette recommandation, initialement proposée par Morton et al. (2018), est soutenue par une variété d’études appliquées et mécanistiques. Cependant, l’étude de Pavis et al. (2022) montre que consommer légèrement en dessous de ce seuil (1,2-1,5 g/kg/jour) n’entraîne pas nécessairement une diminution significative des gains musculaires.

Cela suggère que les recommandations en matière de protéines peuvent ne pas être aussi précises qu’on le pense souvent. Les résultats de cette étude mettent en lumière la flexibilité des besoins en protéines, qui peuvent varier en fonction des individus et des contextes d’entraînement. En somme, bien que la plage de 1,6-2,2 g/kg/jour reste une recommandation solide, les athlètes peuvent toujours faire des progrès significatifs avec des apports légèrement inférieurs, surtout si l’ensemble de leur régime alimentaire est bien équilibré et adapté à leurs besoins énergétiques globaux.

Conclusion

En conclusion, cette étude apporte des informations précieuses sur le rôle des protéines et des polyphénols dans l’adaptation à l’entraînement en résistance. Les polyphénols peuvent faciliter la récupération au cours des premières semaines d’entraînement, mais leur impact sur les gains musculaires à long terme reste limité. Les recommandations en matière de consommation de protéines doivent être considérées comme des lignes directrices générales, et non comme des seuils rigides, permettant aux pratiquants de s’adapter en fonction de leurs besoins spécifiques.

Pour maximiser les gains musculaires et optimiser la récupération, une approche équilibrée et individualisée de la nutrition est essentielle. Cela inclut une consommation adéquate de protéines, ainsi qu’un régime riche en antioxydants provenant de sources alimentaires naturelles, ce qui pourrait offrir tous les avantages nécessaires pour soutenir une performance et une récupération optimales sans nécessiter de supplémentation supplémentaire.

Liste des Références Scientifiques

L’étude complète

Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :

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