Introduction
Dans le domaine de la musculation et de la nutrition sportive, les suppléments sont souvent au centre des discussions, en particulier lorsqu’il s’agit d’améliorer les performances, la force et la masse musculaire. Parmi ces suppléments, la créatine s’est imposée comme le roi incontesté, étant le supplément le plus étudié et le plus recommandé pour les athlètes. Ses effets sur la performance et la croissance musculaire sont largement soutenus par des méta-analyses telles que celles de Branch (2003) et de Forbes et al. (2021), qui montrent des augmentations significatives de la masse musculaire maigre et de la force avec des tailles d’effet allant de 0,3 à 0,6. À ce jour, la créatine reste le supplément le plus fiable pour les pratiquants de musculation, loin devant les autres alternatives.
Cependant, avec l’arrivée de nouveaux suppléments sur le marché, la question se pose toujours : existe-t-il un nouveau prétendant au trône de la créatine ? Parmi ces prétendants, la bêtaïne a suscité un intérêt croissant. Bien que moins connue, la bêtaïne, un dérivé de la glycine, a montré des effets potentiels sur la performance, ce qui a amené les chercheurs à se demander si elle pouvait rivaliser avec la créatine. Cependant, les résultats des études précédentes sur la bêtaïne étaient mitigés, laissant de nombreux experts sceptiques quant à son efficacité réelle.
C’est dans ce contexte que l’étude d’Arazi et al. (2022) s’est distinguée, en présentant des résultats étonnants qui ont relancé le débat sur la place de la bêtaïne dans le monde de la nutrition sportive.
L’étude scientifique
Objectif principal
L’objectif principal de cette étude était de déterminer l’effet de la supplémentation en bêtaïne sur l’endurance musculaire, mesurée par le nombre de répétitions effectuées lors de séries à l’échec sur le développé couché et la presse à cuisse à 80% du 1RM. En plus des mesures de performance, des échantillons sanguins ont été prélevés pour analyser les niveaux de testostérone, de cortisol et de lactate avant et après l’exercice. Ces biomarqueurs permettent d’évaluer les effets hormonaux et métaboliques de la supplémentation en bêtaïne.
L’intérêt pour ces biomarqueurs, et en particulier pour la testostérone, réside dans leur rôle clé dans la performance athlétique et la récupération. La testostérone est bien connue pour son rôle dans le développement de la masse musculaire et de la force, tandis que le cortisol est un indicateur de stress. Le ratio testostérone/cortisol est souvent utilisé pour évaluer l’état de récupération et l’adaptation à l’entraînement. Un niveau élevé de testostérone couplé à un faible niveau de cortisol pourrait indiquer une meilleure capacité à s’adapter à un entraînement intensif.
Conception de l’étude
L’étude d’Arazi et al. (2022) a été conçue pour évaluer les effets de la supplémentation en bêtaïne sur l’endurance musculaire et les biomarqueurs hormonaux chez de jeunes athlètes masculins. Cette étude a utilisé une méthodologie rigoureuse, incluant un protocole en double aveugle, randomisé et contrôlé par placebo, afin de minimiser les biais et d’assurer des résultats fiables. Ce type de conception d’étude est considéré comme le gold standard dans la recherche clinique, car il permet de comparer les effets d’un supplément par rapport à un placebo sans que les participants ni les chercheurs ne sachent dans quel groupe chaque sujet se trouve.
Les participants étaient 10 jeunes athlètes masculins, âgés de 16 ans en moyenne, tous joueurs de handball avec au moins trois ans d’expérience. Ils ont été choisis pour représenter un groupe homogène en termes d’âge, de condition physique et de pratiques d’entraînement, ce qui permet de contrôler au mieux les variables externes. Il est important de noter que ces athlètes n’avaient pas suivi de programme structuré d’entraînement en résistance dans les trois mois précédant l’étude, bien qu’ils aient une expérience non structurée avec les exercices de résistance. Cela permet de minimiser les effets d’un programme de musculation récent sur les résultats.
L’étude a été réalisée selon un protocole croisé, où chaque participant a reçu à la fois un supplément de bêtaïne (2,5g/jour) et un placebo, séparés par une période de “wash-out” (période de sevrage) de 30 jours. Ce design croisé permet de comparer les effets de chaque condition (bêtaïne versus placebo) au sein du même participant, réduisant ainsi les variations interindividuelles qui pourraient fausser les résultats.
Résultats principaux
Endurance musculaire
Les résultats de l’étude ont montré des augmentations significatives de l’endurance musculaire dans les deux exercices testés (presse à cuisse et développé couché) après la supplémentation en bêtaïne. En particulier, les participants ont réalisé 44% de répétitions supplémentaires sur le leg press après la prise de bêtaïne par rapport au placebo. Pour le développé couché, le nombre de répétitions était 39% plus élevé sous bêtaïne que sous placebo. Ces chiffres sont d’autant plus impressionnants que les tailles d’effet (Cohen’s d) étaient extrêmement élevées : 2,77 pour la presse à cuisse et 3,34 pour le développé couché , des valeurs rarement observées dans les études sur la supplémentation sportive (Cohen’s d est une mesure statistique qui permet de quantifier l’ampleur d’un effet ou la différence entre deux groupes.)
L’augmentation aussi marquée de la performance en seulement 14 jours de supplémentation est surprenante, surtout lorsqu’on la compare à d’autres études sur la bêtaïne. En effet, des recherches antérieures, comme celle de Trepanowski et al. (2011), ont rapporté des gains beaucoup plus modestes en endurance musculaire, souvent non significatifs. L’ampleur des résultats dans cette étude dépasse donc largement ce qui a été observé dans la littérature, et soulève des questions sur les mécanismes par lesquels la bêtaïne pourrait produire de tels effets.
Niveaux hormonaux
Le deuxième résultat majeur concerne l’effet de la bêtaïne sur les niveaux hormonaux, et plus précisément sur la testostérone. Selon les résultats rapportés, la bêtaïne a doublé les niveaux de testostérone au repos, passant de 515 ng/dL sous placebo à 1000 ng/dL sous bêtaïne. Une augmentation aussi massive des niveaux de testostérone en si peu de temps est sans précédent dans la littérature scientifique. Pour donner une idée du contexte, la plupart des “boosters” de testostérone sur le marché ne produisent que des augmentations modestes de 100 à 150 ng/dL, même dans les meilleures études, comme l’a montré la méta-analyse de Santos et al. (2019).
En plus de l’augmentation des niveaux de testostérone, l’étude a rapporté une baisse significative des niveaux de cortisol, l’hormone du stress, d’environ 40%. Une baisse des niveaux de cortisol associée à une augmentation de la testostérone pourrait indiquer une meilleure récupération post-exercice, réduisant ainsi le stress physiologique induit par un entraînement intense. Ces résultats semblent donc prometteurs pour les athlètes cherchant à maximiser leur récupération et leurs performances, en particulier dans des sports demandant une grande endurance musculaire et une récupération rapide.
Enfin, les niveaux de lactate, un marqueur de la fatigue musculaire, étaient également légèrement plus bas dans la condition bêtaïne. Bien que la différence soit statistiquement significative, l’effet observé est modeste comparé à celui de la testostérone et du cortisol. Cela suggère que la bêtaïne pourrait influencer à la fois les réponses hormonales et métaboliques à l’exercice, contribuant ainsi à une meilleure performance et récupération globale.
Analyse critique des résultats
Comparaison avec la littérature
Les résultats observés dans l’étude d’Arazi et al. (2022) diffèrent de manière frappante de la majorité des études précédentes sur la bêtaïne. Par exemple, les recherches de Cholewa et al. (2013) et de Hoffman et al. (2009) ont montré des gains beaucoup plus modestes, et dans certains cas, non significatifs, en termes de force et d’endurance musculaire. Cholewa et al. (2013) ont observé une augmentation de la masse maigre après six semaines de supplémentation en bêtaïne, mais cette augmentation était relativement faible comparée à ce que l’on pourrait attendre d’une augmentation aussi importante des niveaux de testostérone.
Cette discordance avec la littérature peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Tout d’abord, la taille de l’échantillon dans l’étude d’Arazi et al. est relativement petite (seulement 10 participants), ce qui augmente le risque que les résultats soient influencés par des variations individuelles importantes. De plus, la durée de la supplémentation (14 jours) est très courte, ce qui laisse supposer que les effets observés pourraient ne pas se maintenir à plus long terme. Des études à plus long terme seraient nécessaires pour confirmer ces résultats et évaluer si la bêtaïne continue à produire des effets aussi marqués après plusieurs semaines ou mois de supplémentation.
Un autre point à prendre en compte est que les mécanismes exacts par lesquels la bêtaïne pourrait influencer les niveaux de testostérone ne sont pas encore bien compris. Les auteurs de l’étude suggèrent que la bêtaïne pourrait agir via l’hypothalamus pour stimuler la sécrétion de gonadotrophines, mais cette hypothèse reste à vérifier. D’autres études sont nécessaires pour explorer les mécanismes sous-jacents à ces résultats et déterminer si la bêtaïne peut réellement agir comme un booster de testostérone aussi puissant que les résultats de cette étude le suggèrent.
Problèmes potentiels avec l’étude
En plus des questions soulevées par la comparaison avec la littérature existante, plusieurs points méthodologiques dans l’étude d’Arazi et al. méritent d’être examinés de plus près. Le premier concerne la taille réduite de l’échantillon, qui limite la généralisation des résultats à une population plus large. De plus, bien que l’étude soit bien conçue sur le plan méthodologique, le fait que les participants n’aient pas suivi de programme structuré d’entraînement en résistance avant l’étude pourrait avoir influencé les résultats. Une période d’entraînement non structurée pourrait signifier que les participants étaient dans un état de désentraînement relatif, ce qui pourrait amplifier les effets observés de la supplémentation.
Un autre point à noter est que les résultats observés sur les niveaux de testostérone sont particulièrement étonnants. Une augmentation de près de 500 ng/dL en seulement deux semaines dépasse de loin ce qui est habituellement observé avec d’autres suppléments et même avec des interventions pharmacologiques comme les injections de testostérone exogène. Des études supplémentaires avec des échantillons plus grands et des mesures plus détaillées des réponses hormonales seraient nécessaires pour valider ces résultats et exclure d’éventuels biais ou erreurs méthodologiques.
Interprétation des résultats et implications pour les pratiquants de musculation
Quel impact pour les pratiquants ?
Si les résultats de cette étude sont confirmés, la supplémentation en bêtaïne pourrait représenter un changement majeur pour les pratiquants de musculation, en particulier ceux qui cherchent à améliorer leur endurance musculaire et leurs niveaux hormonaux. L’augmentation de la testostérone au repos et la baisse du cortisol pourraient non seulement améliorer la performance, mais aussi favoriser une meilleure récupération, permettant ainsi de s’entraîner plus fréquemment avec une intensité élevée.
De plus, l’augmentation de l’endurance musculaire, mesurée par le nombre de répétitions supplémentaires effectuées lors d’exercices à l’échec, pourrait être particulièrement bénéfique pour les athlètes engagés dans des sports où l’endurance et la force musculaire sont cruciales. Cependant, il est important de souligner que, bien que ces résultats soient impressionnants, ils doivent être interprétés avec prudence jusqu’à ce que des études plus vastes et plus longues puissent reproduire ces effets.
Conseils d’utilisation
Pour les pratiquants intéressés par la bêtaïne, il serait possible d’essayer une supplémentation de 2,5 g/jour, comme dans l’étude, pendant une période de deux semaines. Cependant, il est important de garder à l’esprit que les résultats peuvent varier et que la bêtaïne est encore loin d’être considérée comme un supplément incontournable. Les personnes intéressées par ce supplément doivent rester conscientes qu’il n’y a pas encore suffisamment de preuves pour garantir des résultats aussi spectaculaires que ceux observés dans cette étude.
Il est conseillé de consulter un professionnel de la santé avant de commencer une nouvelle supplémentation, en particulier pour les jeunes athlètes ou ceux ayant des problèmes hormonaux.
Conclusion
L’étude d’Arazi et al. (2022) a mis en lumière les effets potentiels de la supplémentation en bêtaïne sur l’endurance musculaire et les niveaux hormonaux chez de jeunes athlètes. Bien que les résultats soient impressionnants, avec des augmentations significatives de la testostérone et de l’endurance musculaire, il reste encore beaucoup à découvrir sur la manière dont la bêtaïne fonctionne et sur son potentiel à long terme. Des études plus longues, avec des échantillons plus larges et des dosages variés de bêtaïne (entre 2,5 et 10 g/jour), sont nécessaires pour confirmer ces résultats et mieux comprendre comment ce supplément pourrait influencer la performance et les niveaux hormonaux à long terme.
En attendant de nouvelles données, la bêtaïne reste un supplément intrigant pour les athlètes et les pratiquants de musculation, mais elle doit être abordée avec prudence. Les résultats actuels sont prometteurs, mais ils nécessitent d’être confirmés par d’autres études avant de pouvoir être pleinement intégrés dans les routines d’entraînement et de nutrition des athlètes.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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