Introduction
La caféine est l’un des ergogènes les plus étudiés en raison de son effet sur la performance physique et la vigilance mentale. De nombreuses recherches ont mis en évidence son potentiel à améliorer la force musculaire, l’endurance et la concentration. Cependant, son efficacité varie en fonction de plusieurs facteurs, dont le moment de la prise et la dose consommée. L’un des aspects encore peu explorés concerne l’impact de la consommation de caféine en fonction du moment de la journée, notamment le matin par rapport au soir. L’étude de Bougrine et al. (2024) s’est intéressée à cette problématique en analysant l’effet de différentes doses de caféine sur la performance physique maximale et les effets secondaires potentiels chez des athlètes féminines peu consommatrices de caféine.
Objectifs de l’étude
Objectif principal
L’objectif principal de cette recherche était d’examiner comment différentes doses de caféine (3 mg/kg et 6 mg/kg) influencent la performance physique et les effets secondaires, selon qu’elles soient consommées le matin ou le soir. Les chercheurs ont cherché à déterminer si la caféine présente le même effet stimulant en soirée qu’en matinée et si une dose plus élevée offre un avantage significatif par rapport à une dose plus faible.
Objectifs secondaires
En complément de l’objectif principal, l’étude a cherché à explorer les effets de la caféine sur la perception de l’effort (RPE) et la survenue d’effets indésirables tels que la tachycardie, les troubles gastro-intestinaux et l’insomnie. Un autre objectif était d’évaluer si les bénéfices de la caféine étaient compensés par d’éventuels effets négatifs, particulièrement lorsque celle-ci était consommée en soirée.
Méthodologie
Profil des participantes
L’étude a été menée auprès de 15 jeunes athlètes féminines évoluant en handball, avec un âge moyen de 18,3 ans. Les participantes étaient peu consommatrices de caféine, avec une consommation quotidienne inférieure à 0,99 mg/kg/jour. Ce critère a permis de limiter les biais liés à l’accoutumance et d’évaluer les effets réels de la caféine sur la performance.
Protocole expérimental
Les participantes ont été soumises à six séances de test, comprenant trois conditions de supplémentation (placebo, 3 mg/kg de caféine et 6 mg/kg de caféine) à deux moments de la journée (matin et soir). Chaque condition était espacée d’un minimum de 72 heures afin d’éviter toute interaction entre les tests.
Avant chaque test, les participantes recevaient leur supplément une heure avant l’évaluation afin d’optimiser l’absorption de la caféine. Les tests ont été réalisés entre 8h et 9h du matin et entre 18h et 19h le soir, suivant un protocole standardisé.
Évaluations de la performance
Plusieurs tests ont été utilisés pour mesurer la performance physique :
- Le saut contre-mouvement (CMJ) pour évaluer l’explosivité.
- Le test d’agilité modifié (MATT) pour mesurer la vitesse et les changements de direction.
- Le test de sprint répété (RSA) pour analyser la capacité à répéter des efforts intenses.
- L’échelle de perception de l’effort (RPE) pour évaluer la difficulté ressentie lors de l’effort.
En complément, un questionnaire sur les effets secondaires liés à la caféine a été administré à la fin de chaque séance.
Résultats
Effet de la caféine sur la performance physique
L’analyse des performances a révélé que les athlètes avaient de meilleures performances en soirée qu’en matinée dans la condition placebo. Cependant, la consommation de caféine a permis d’atténuer cette différence.

Dans le saut contre-mouvement (CMJ), l’amélioration observée avec la caféine était plus marquée le matin qu’en soirée. La dose de 3 mg/kg a augmenté la performance matinale de 2,5 % tandis que 6 mg/kg l’a améliorée de 3,8 %. En revanche, aucun effet significatif n’a été constaté en soirée.
Concernant le test d’agilité modifié (MATT), la performance était 6,4 % supérieure en soirée sous placebo. La consommation de 6 mg/kg de caféine a permis d’améliorer la performance matinale de 4,5 %, mais aucune amélioration notable n’a été constatée avec 3 mg/kg ou en soirée.
Dans le test de sprint répété (RSA), la performance moyenne était également meilleure le soir. La consommation de 6 mg/kg de caféine a permis une amélioration de 3,5 % le matin, alors que la dose de 3 mg/kg n’a induit qu’un gain de 1,1 %. Comme pour les autres tests, aucune amélioration significative n’a été observée avec la caféine en soirée.
Effets secondaires et perception de l’effort
L’échelle de perception de l’effort (RPE) a révélé que l’effort était perçu comme légèrement plus difficile en soirée qu’en matinée, sans lien clair avec la caféine.

En ce qui concerne les effets secondaires, la prévalence était faible avec le placebo et la dose de 3 mg/kg. Toutefois, la dose de 6 mg/kg a entraîné une augmentation notable des effets indésirables, particulièrement en soirée :
- 33 % des participantes ont ressenti une tachycardie après ingestion en soirée.
- 40 % ont signalé des maux de tête.
- 47 % ont souffert d’insomnie.
- 27 % ont rapporté des troubles gastro-intestinaux.

Discussion et interprétation des résultats
Impact de la caféine sur la performance : un effet dépendant du moment de la journée
Les résultats montrent clairement que la caféine est plus efficace lorsqu’elle est consommée le matin et qu’elle permet de compenser les baisses de performance observées à ce moment de la journée. En revanche, sa consommation en soirée n’apporte pas d’amélioration significative et s’accompagne de plus d’effets secondaires.
Implications pour l’entraînement
Ces observations suggèrent que les athlètes souhaitant optimiser leur performance matinale peuvent tirer parti de la caféine, en particulier à une dose de 6 mg/kg. Cependant, ceux qui s’entraînent en soirée devraient être plus prudents, car les bénéfices en termes de performance sont minimes tandis que les effets indésirables sont accrus.
Limites de l’étude et perspectives futures
L’étude présente certaines limites, notamment un échantillon de petite taille, ce qui peut limiter la généralisation des résultats. De plus, elle s’est concentrée uniquement sur des athlètes féminines peu consommatrices de caféine, laissant en suspens la question de l’impact chez les hommes ou les consommateurs réguliers.
Des recherches futures pourraient explorer l’adaptation à la caféine sur une période prolongée et analyser si les bénéfices de la supplémentation en soirée évoluent avec l’habituation.
Conclusion
Cette étude met en évidence l’importance du moment de la prise de caféine sur la performance physique. Si une dose de 6 mg/kg améliore les performances du matin, elle n’apporte aucun bénéfice en soirée et augmente significativement les effets secondaires. Ces résultats suggèrent que les athlètes doivent adapter leur consommation de caféine en fonction de leur horaire d’entraînement, en privilégiant une prise le matin plutôt qu’en fin de journée.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
Réponses