Introduction
Nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi une augmentation du volume total d’exercice peut provoquer une faim intense chez certains, tandis que d’autres trouvent que l’exercice supprime complètement leur appétit. Ces différences dans les réponses individuelles à l’exercice soulèvent des questions importantes sur la régulation de l’appétit et la consommation énergétique. Une nouvelle étude réalisée par Tobin et al. (2021) explore cette dynamique complexe en examinant les effets de l’exercice aigu sur l’appétit, en tenant compte du sexe biologique et du type d’exercice comme variables potentielles influençant cette relation.
Objectifs et hypothèses
Objectif principal
L’objectif principal de l’étude de Tobin et al. (2021) était de « comparer les effets d’une séance aiguë d’exercice de résistance, d’exercice aérobie, et d’une condition de repos sédentaire sur les indices hormonaux et comportementaux de la régulation de l’appétit et de la prise alimentaire chez les hommes et les femmes en surpoids/obésité ». Cette étude visait à combler le manque de données sur la manière dont différents types d’exercice peuvent influencer les sensations de faim et la consommation alimentaire ultérieure chez des individus présentant des caractéristiques spécifiques de poids et d’activité physique.
Hypothèses
Les chercheurs ont formulé l’hypothèse que les femmes ressentiraient une plus grande stimulation de l’appétit suite à l’exercice par rapport aux hommes. Bien que les hypothèses spécifiques pour chaque résultat de l’étude n’aient pas été clairement énoncées, l’attente générale était que les différences biologiques entre les sexes influenceraient les réponses de l’appétit et de la consommation alimentaire après l’exercice.
Sujets et méthodes
Participants
L’étude a recruté 24 participants, composés de 12 hommes et 12 femmes ayant des caractéristiques d’âge et d’IMC similaires. Parmi les participantes, cinq utilisaient des contraceptifs hormonaux pendant l’étude. Les critères d’inclusion étaient stricts : les participants devaient être en bonne santé, stables en termes de poids (n’ayant pas gagné ou perdu plus de 5% de leur poids corporel au cours des six mois précédant l’étude), et physiquement inactifs (moins de 150 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée et moins de deux séances d’exercice de résistance par semaine). Les femmes enceintes, allaitantes, périménopausiques, post-ménopausiques, oligoménorrhéiques, aménorrhéiques, ou ayant accouché dans les six mois précédant l’étude étaient exclues.
Protocoles expérimentaux
Les participants ont effectué trois visites expérimentales au laboratoire, chacune comprenant une condition différente : un exercice aérobie de 45 minutes, un exercice de résistance de 45 minutes, et une période de repos de 45 minutes. Avant chaque visite, les participants suivaient un régime alimentaire standardisé, individualisé pour fournir la quantité appropriée d’énergie totale. Le jour des tests, les participants arrivaient au laboratoire à jeun depuis au moins 10 heures. Les mesures de base comprenaient une prise de sang et l’utilisation d’échelles visuelles analogiques pour évaluer la faim, la satiété et la consommation alimentaire prospective. Après les mesures de base, les participants consommaient un petit-déjeuner standardisé fournissant 25% de leurs besoins énergétiques quotidiens, puis réalisaient l’exercice assigné ou la période de repos.
Des évaluations supplémentaires de la faim, de la satiété et des biomarqueurs de l’appétit étaient effectuées 30, 90, 120, 150 et 180 minutes après le petit-déjeuner. Après les mesures de 180 minutes, les participants avaient accès à un repas ad libitum dans une salle privée pendant 30 minutes, permettant d’évaluer leur consommation alimentaire sans restriction.
Résultats
Absence d’interactions significatives entre sexe et condition d’exercice pour les concentrations hormonales
L’un des résultats clés de l’étude de Tobin et al. (2021) a été l’absence d’interactions significatives entre le sexe et la condition d’exercice pour les concentrations hormonales. Les hormones de l’appétit mesurées comprenaient la ghreline, le peptide YY (PYY) et le glucagon-like peptide-1 (GLP-1). Les résultats ont indiqué que les niveaux de ces hormones ne variaient pas de manière significative en fonction du sexe ou du type d’exercice (aérobie, résistance, ou repos). Cela suggère que, du point de vue hormonal, ni le sexe biologique ni le type d’exercice ne modulent de manière significative les réponses hormonales de l’appétit après une séance d’exercice aiguë.
Différences dans les niveaux de faim signalés par sexe et condition d’exercice
Malgré l’absence d’effets significatifs sur les concentrations hormonales, l’étude a révélé des différences intéressantes dans les niveaux de faim signalés par les participants selon le sexe et la condition d’exercice. Les hommes ont généralement rapporté des niveaux de faim plus élevés que les femmes, particulièrement pendant les conditions d’exercice aérobie et de repos. Ce résultat était moins prononcé lors de la condition d’exercice de résistance, où les différences de faim entre les sexes étaient réduites et non significatives. Ces observations mettent en évidence une dimension subjective de l’appétit qui pourrait ne pas être entièrement capturée par les biomarqueurs hormonaux seuls.
Analyse de la prise énergétique pendant le repas ad libitum
L’un des aspects cruciaux de cette étude a été l’analyse de la consommation énergétique pendant le repas ad libitum (repas sans tracking calorique à la volonté de la personne), où les participants avaient accès à une variété d’aliments sans restriction dans une salle privée. Les résultats ont montré que les hommes consommaient globalement plus de calories que les femmes lors de ce repas, ce qui est cohérent avec leurs besoins énergétiques plus élevés en général. Cependant, il est important de noter que cette différence de consommation énergétique totale n’était pas statistiquement significative lorsqu’on ajustait les apports énergétiques en fonction des besoins énergétiques estimés de chaque participant.
Comparaison des apports énergétiques relatifs aux besoins énergétiques estimés entre les sexes
Pour mieux comprendre ces résultats, il est essentiel de comparer les apports énergétiques relatifs aux besoins énergétiques estimés entre les sexes. Lorsque l’on ajustait la consommation énergétique pour tenir compte des besoins individuels, il n’y avait pas de différences significatives entre les hommes et les femmes. Cela indique que, malgré des perceptions différentes de la faim, la prise alimentaire relative aux besoins énergétiques reste similaire entre les sexes. Ce constat est crucial pour comprendre la dynamique complexe entre l’appétit subjectif et la consommation réelle de nourriture après l’exercice.
Ces résultats sont en accord avec des études antérieures qui ont également observé des disparités entre les sensations subjectives de faim et les comportements alimentaires réels. Par exemple, King et al. (2017) ont rapporté que l’exercice aigu peut supprimer l’appétit sans nécessairement réduire la prise alimentaire subséquente. De même, Dorling et al. (2018) ont noté que les réponses à l’exercice en termes de faim et de consommation énergétique peuvent varier considérablement entre les individus, renforçant l’importance d’un cadre contextuel pour interpréter ces résultats.
Interprétation des résultats
Définition de l’appétit
Pour comprendre pleinement les résultats, il est crucial de définir ce que l’on entend par « appétit ». L’appétit est influencé par une combinaison de facteurs psychologiques et physiologiques liés à la faim (qui stimule l’alimentation), la satiation (qui met fin à l’alimentation), et la satiété (qui est la suppression post-repas de la faim). Les signaux de l’appétit peuvent être épisodiques (variations d’un repas à l’autre et au cours de la journée) ou toniques (signaux à long terme provenant des tissus et cellules corporelles indiquant la disponibilité énergétique).
Discussion sur les résultats
L’étude de Tobin et al. (2021) a montré que les femmes signalent généralement une faim plus faible que les hommes, mais cela ne se traduit pas par une consommation énergétique inférieure lorsqu’on ajuste pour les besoins énergétiques. Ce phénomène d’apparente dissociation entre la faim subjective et la consommation énergétique réelle est un constat courant dans la recherche sur l’appétit. Des études antérieures, comme celles de King et al. (2017) et Dorling et al. (2018), ont également rapporté que l’exercice peut aiguement supprimer l’appétit, mais cette suppression ne modifie pas nécessairement la consommation énergétique lors des repas suivants.
Effets chroniques de l’exercice
Les effets chroniques de l’exercice sur l’appétit et l’équilibre énergétique sont probablement plus pertinents que les effets aigus. L’exercice régulier peut influencer la régulation de l’appétit, alignant mieux la consommation énergétique sur les dépenses énergétiques. Cela est particulièrement important pour la gestion du poids à long terme et la prévention de la reprise de poids après une perte de poids.
Conclusion
L’étude de Tobin et al. (2021) apporte des éclaircissements importants sur la relation entre l’exercice et l’appétit. Bien que les différences entre les sexes soient présentes dans les sensations de faim, elles ne se traduisent pas nécessairement par des différences significatives dans la consommation énergétique ajustée aux besoins. Les effets de l’exercice sur l’appétit semblent être influencés par une combinaison de facteurs physiologiques et psychologiques, avec des implications pratiques pour la gestion du poids et la nutrition.
Liste des Références Scientifiques
- Tobin SY, Cornier M-A, White MH, Hild AK, Simonsen SE, Melanson EL, et al. The effects of acute exercise on appetite and energy intake in men and women. Physiol Behav. 2021 Nov 1;241:113562.
- Halliday TM, White MH, Hild AK, Conroy MB, Melanson EL, Cornier M-A. Appetite and Energy Intake Regulation in Response to Acute Exercise. Med Sci Sports Exerc. 2021 Oct 1;53(10):2173–81.
- Beaulieu K, Hopkins M, Blundell J, Finlayson G. Homeostatic and non-homeostatic appetite control along the spectrum of physical activity levels: An updated perspective. Physiol Behav. 2018 Aug 1;192:23–9.
- King JA, Deighton K, Broom DR, Wasse LK, Douglas JA, Burns SF, et al. Individual Variation in Hunger, Energy Intake, and Ghrelin Responses to Acute Exercise. Med Sci Sports Exerc. 2017 Jun;49(6):1219–28.
- Dorling J, Broom DR, Burns SF, Clayton DJ, Deighton K, James LJ, et al. Acute and Chronic Effects of Exercise on Appetite, Energy Intake, and Appetite-Related Hormones: The Modulating Effect of Adiposity, Sex, and Habitual Physical Activity. Nutrients. 2018 Aug 22;10(9):1140.
- Martin CK, Johnson WD, Myers CA, Apolzan JW, Earnest CP, Thomas DM, et al. Effect of different doses of supervised exercise on food intake, metabolism, and non-exercise physical activity: The E-MECHANIC randomized controlled trial. Am J Clin Nutr. 2019 Sep;110(3):583.
L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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