Introduction
Avec l’avancée en âge, hommes et femmes perdent progressivement de la masse musculaire, un phénomène appelé sarcopénie, qui affecte négativement la qualité de vie, la mobilité et l’autonomie. Chez les femmes, cette perte est parfois attribuée au passage de la ménopause, moment de profond bouleversement hormonal. Certaines recommandations préconisent des exercices à haute intensité pour préserver la masse musculaire et la force, en particulier après 40 ans. Mais ces recommandations sont-elles vraiment justifiées ? L’étude de Svensen et al. (2025) remet en question cette croyance en démontrant que les femmes pré-, péri- et postménopausées répondent toutes favorablement à un programme d’entraînement léger, avec des gains comparables en force et en équilibre, indépendamment de leur statut hormonal.
Objectif et protocole expérimental
Objectif principal
L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les effets d’un programme en résistance à faible impact sur la force, l’équilibre, la souplesse et la composition corporelle, tout en comparant les réponses selon le statut hormonal des participantes (pré-, péri-, postménopausées). Les chercheuses émettaient l’hypothèse que les femmes péri- et postménopausées présenteraient des réponses physiologiques plus faibles à l’entraînement.
Protocole expérimental
72 femmes, âgées de 40 à 60 ans (âge moyen 50,7 ± 4,9 ans), modérément actives et sans traitement hormonal, ont été réparties aléatoirement dans un groupe intervention (EXC, n = 36) ou contrôle (CON, n = 36), puis classées selon leur statut ménopausique.

Aucun entraînement de musculation régulier (>2x/semaine) n’était pratiqué avant l’étude. Des mesures ont été prises aux semaines 0, 4, 8 et 12 : force musculaire (via dynamomètre isocinétique), composition corporelle (DXA, échographie), équilibre (test Y-Balance), souplesse (Sit and Reach), activité physique (accéléromètre) et apports alimentaires (journaux alimentaires).
Le programme d’entraînement consistait en 4 séances hebdomadaires de type « Pvolve » pendant 12 semaines, combinant mouvements avec bandes élastiques, poids légers (0,5 à 5 kg), squats, fentes, planches, exercices proprioceptifs et travail unipodal. Le volume hebdomadaire est passé de 2,7 à 3,3 heures, avec augmentation progressive des répétitions et de la charge.
Résultats
Force musculaire
Les résultats les plus marquants concernaient les membres inférieurs. Dans le groupe EXC, le couple maximal en flexion de hanche est passé de 99,0 ± 22,1 N·m·kg⁻¹ à 117,1 ± 23,7 N·m·kg⁻¹ en 12 semaines, soit une augmentation moyenne de 18,3 % (p < 0,001). En abduction de hanche, les participantes ont progressé de 101,1 ± 29,0 à 114,0 ± 31,4 N·m·kg⁻¹ (+12,8 %, p < 0,01).

Aucune de ces améliorations n’a été observée dans le groupe contrôle, dont les valeurs sont restées stables.
Pour les membres supérieurs, les gains en flexion et abduction d’épaule étaient plus modestes, et aucune différence significative entre les groupes n’a été détectée. Cela pourrait s’expliquer par une plus grande sollicitation quotidienne de ces muscles ou un effet d’apprentissage.
Fait important : aucune différence d’évolution n’a été observée selon le statut ménopausique. Les femmes pré-, péri- et postménopausées ont présenté des gains similaires, ce qui contredit l’idée que le déclin hormonal affecte la capacité de progression musculaire.
Composition corporelle
L’analyse par DXA a révélé une augmentation significative de la masse maigre dans le groupe EXC, avec un gain moyen de 0,79 ± 0,86 kg sur 12 semaines (p < 0,01), soit environ +2 % par rapport à la valeur initiale. Le groupe contrôle n’a montré aucune variation.
Le poids corporel, la masse grasse, la circonférence de taille et le pourcentage de masse grasse sont restés stables dans les deux groupes.
Les analyses échographiques ont montré une hypertrophie modeste mais significative du vaste intermédiaire dans le plan transversal, passant de 14,6 ± 4,5 mm à 15,8 ± 3,9 mm (p < 0,05). En revanche, le droit fémoral et le deltoïde moyen n’ont présenté aucun changement significatif.
Équilibre et souplesse
Les performances au test Y-balance ont significativement augmenté dans le groupe EXC. Les distances de reach postéromédial et postérolatéral ont progressé respectivement de +3,1 cm (p < 0,05) et +3,4 cm (p < 0,05), traduisant une amélioration de l’équilibre dynamique unipodal.

Au test Sit and Reach, la souplesse a progressé de manière significative dans le groupe EXC (+2,7 cm, p < 0,01), mais est restée stable dans le groupe contrôle.
Activité physique et alimentation
Les niveaux d’activité physique globale (MET·min/semaine) sont restés similaires entre les groupes durant l’intervention, confirmant que les changements étaient bien dus à l’entraînement. L’apport protéique moyen était faible dans les deux groupes (70 ± 17 g/j), ce qui pourrait limiter le potentiel hypertrophique à long terme.
Discussion et implications
Une progression indépendante du statut hormonal
Contrairement aux attentes des auteurs, les femmes péri- et postménopausées ont montré des réponses équivalentes aux femmes préménopausées, aussi bien en termes de force que de masse musculaire et d’équilibre. L’hypothèse selon laquelle la ménopause entraînerait une résistance à l’entraînement léger ne trouve donc pas de confirmation dans cette étude.
Accessibilité et efficacité d’un protocole léger
Ces résultats viennent contrecarrer certaines croyances populaires selon lesquelles seules les charges lourdes et les protocoles intenses permettraient aux femmes de conserver leur masse musculaire après 40 ou 50 ans. Bien que la progression observée reste modérée, elle est significative, mesurable, et surtout accessible : ce type de programme peut être pratiqué à domicile, avec très peu de matériel, par des femmes peu habituées à l’exercice.
Il faut aussi souligner que l’augmentation de la masse maigre et de la force s’est faite sans perte de masse grasse, ce qui suggère que l’objectif ici n’est pas nécessairement la recomposition corporelle, mais bien l’amélioration des fonctions musculaires et posturales.
Limites et perspectives
Limites de l’étude
Plusieurs limites méritent d’être signalées. D’abord, le nombre de participantes est relativement faible dans chaque sous-groupe (pré-, péri-, post-ménopause), ce qui peut limiter la puissance statistique pour détecter des différences fines. Ensuite, la durée de l’étude, bien que suffisante pour observer des gains initiaux, ne permet pas de tirer de conclusions à long terme sur le maintien de ces adaptations. De plus, l’intensité précise des exercices (nombre de répétitions, proximité de l’échec musculaire) n’a pas été détaillée, rendant la reproductibilité difficile. Enfin, l’apport protéique bas de la majorité des participantes pourrait avoir limité les gains potentiels en hypertrophie.
Perspectives de recherche
Des études futures pourraient explorer :
- L’effet de programmes similaires sur une durée plus longue (> 6 mois).
- L’impact de l’ajout d’un apport protéique optimisé chez des femmes ménopausées entraînées.
- La comparaison de ce type de programme léger avec des protocoles plus lourds (type 70-85 % 1RM) sur des variables comme la densité minérale osseuse ou la force maximale.
- L’effet combiné d’un traitement hormonal substitutif avec un entraînement régulier sur la composition corporelle et la fonction musculaire.
Conclusion
L’étude de Svensen et al. (2025) montre qu’un programme de résistance à faible impact, réalisé régulièrement, permet d’améliorer la force, l’équilibre, la souplesse et la masse maigre, même en l’absence de charges lourdes. Ces bénéfices sont indépendants du statut hormonal des participantes, ce qui remet en question certaines recommandations différenciées selon la ménopause.
Ce qui compte, ce n’est ni l’âge, ni le statut hormonal, ni l’intensité extrême : c’est la régularité, la progressivité, et l’engagement dans un programme structuré. Même avec peu de matériel, des gains significatifs sont possibles — pour toutes les femmes, à tous les âges.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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