Introduction
L’activité physique joue un rôle essentiel dans la prévention des maladies chroniques et l’amélioration de la santé globale. Depuis plusieurs décennies, les recommandations de santé publique insistent sur l’importance d’une activité physique régulière pour réduire le risque de maladies cardiovasculaires, d’obésité et d’hypertension. Cependant, au-delà des recommandations générales, des questions subsistent quant aux variables les plus importantes dans l’optimisation des bienfaits de l’activité physique : le volume total, la fréquence des séances et l’intensité de l’effort. Dans ce contexte, une étude récente menée par Mielke et al. (2024) s’est intéressée aux associations entre ces différents paramètres de l’activité physique et le développement de l’hypertension et de l’obésité chez les femmes australiennes sur une période de 21 ans.
Cette étude de grande envergure, menée dans le cadre de l’Australian Longitudinal Study on Women’s Health, a permis d’analyser les données de plus de 20 000 femmes n’ayant initialement ni hypertension ni obésité. Grâce à des évaluations régulières de leur niveau d’activité physique et de leur état de santé, les chercheurs ont pu déterminer l’impact relatif du volume, de la fréquence et de l’intensité des efforts sur la prévention de ces maladies.
Objectifs de l’étude
Pourquoi cette étude est-elle nécessaire ?
L’impact de l’activité physique sur la santé est bien documenté, mais les recommandations actuelles manquent de clarté sur la manière dont différents paramètres influencent le risque de maladies chroniques. Certaines études suggèrent que l’intensité joue un rôle clé, tandis que d’autres mettent en avant la fréquence ou le volume global. Cependant, peu de recherches ont exploré ces variables de manière simultanée sur une aussi longue période. Cette étude visait donc à répondre à plusieurs questions essentielles :
- L’accumulation d’un volume total élevé d’activité physique est-elle plus bénéfique que la répartition en séances plus fréquentes ?
- L’intensité de l’activité physique a-t-elle un impact déterminant sur la prévention de l’hypertension et de l’obésité ?
- Existe-t-il un seuil minimal d’activité permettant d’obtenir des effets protecteurs significatifs ?
Hypothèses des chercheurs
Les chercheurs n’ont pas explicitement formulé d’hypothèses initiales, mais ils cherchaient à vérifier si le volume total d’activité physique était le principal déterminant de la prévention des maladies chroniques, indépendamment de l’intensité ou de la fréquence des séances. Ils ont également examiné si l’inclusion d’activités plus intenses procurait un avantage supplémentaire dans la réduction du risque d’hypertension et d’obésité.
Méthodologie de l’étude
Profil des participantes et collecte des données
Cette étude longitudinale a été réalisée dans le cadre de l’Australian Longitudinal Study on Women’s Health, un projet de recherche en population générale visant à évaluer les déterminants de la santé des femmes australiennes. Deux cohortes ont été suivies : l’une composée de femmes nées entre 1946 et 1951, et l’autre de femmes nées entre 1973 et 1978. L’analyse finale a inclus 20 588 participantes qui, au début de l’étude, ne présentaient ni hypertension ni obésité.
Les participantes ont été suivies pendant 21 ans, de 1998/2000 à 2019/2021. Tous les trois ans, elles répondaient à des questionnaires évaluant leur niveau d’activité physique, leur état de santé, ainsi que divers facteurs comportementaux et démographiques.
Évaluation de l’activité physique
L’activité physique des participantes a été mesurée à l’aide d’une version modifiée de l’Active Australia Survey. Cette enquête recueillait des informations sur la fréquence et la durée de différents types d’exercices :
- Marche
- Activité physique modérée
- Activité physique vigoureuse
À partir de ces données, les chercheurs ont calculé le volume total hebdomadaire d’activité physique en équivalents métaboliques (MET-minutes/semaine) et ont réparti les participantes en plusieurs groupes selon :
- Leur volume total d’activité (aucune, faible, modérée, élevée)
- Leur nombre de sessions hebdomadaires
- La proportion de leur activité physique effectuée à intensité vigoureuse
Suivi de l’état de santé et analyses statistiques
L’apparition de l’hypertension et de l’obésité a été évaluée à partir des déclarations des participantes à chaque vague de suivi. L’analyse des relations entre l’activité physique et le risque de développer ces conditions a été effectuée à l’aide de modèles statistiques ajustés pour divers facteurs de confusion (âge, statut socio-économique, tabagisme, alimentation, etc.).
Résultats de l’étude
Réduction du risque d’hypertension grâce à l’activité physique
L’analyse des données a montré une forte corrélation inverse entre le volume total d’activité physique et l’incidence de l’hypertension. Parmi les participantes du groupe modérément actif (500 à 999 MET-min/semaine), le risque de développer une hypertension était déjà significativement réduit par rapport aux femmes sédentaires. Cependant, c’est dans le groupe des femmes ayant une activité élevée (1000+ MET-min/semaine) que l’effet protecteur était le plus prononcé, avec une réduction du risque de 16 % par rapport aux participantes n’ayant pas atteint ce seuil d’activité.

Fait intéressant, la fréquence de l’activité physique n’a pas influencé de manière significative le risque d’hypertension après ajustement pour le volume total d’exercice. Autrement dit, peu importe que les participantes pratiquent leur activité physique trois, cinq ou sept fois par semaine, c’est le cumul hebdomadaire total qui importe. Une femme pratiquant deux longues séances de marche rapide par semaine pouvait ainsi obtenir des résultats similaires à une femme pratiquant de courtes séances quotidiennes tant que le volume total d’activité physique atteignait un niveau suffisant.

Concernant l’intensité, l’incorporation d’exercices intenses a montré un léger effet bénéfique chez les participantes ayant un volume d’activité physique élevé (1000+ MET-min/semaine). Ces femmes ont présenté une réduction légèrement plus marquée du risque d’hypertension en comparaison avec celles ayant réalisé uniquement des activités modérées. Cependant, cette relation n’était ni linéaire ni statistiquement significative, indiquant que l’intensité apporte un bénéfice marginal, mais que le volume reste le facteur clé.
Association entre l’activité physique et la réduction du risque d’obésité
L’étude a également mis en évidence un lien fort entre le niveau d’activité physique et la prévention de l’obésité. Contrairement à l’hypertension, où les tendances étaient plus marquées chez les participantes âgées (1946-1951), les effets de l’activité physique sur l’obésité étaient plus prononcés chez la cohorte plus jeune (1973-1978).

Globalement, les participantes qui atteignaient un volume d’activité de 1000+ MET-min/semaine avaient un risque réduit de 27 % de développer une obésité en comparaison avec les femmes sédentaires. Les analyses ont également montré que l’inclusion d’exercices à intensité élevée (≥6 METs) offrait un avantage supplémentaire sur la gestion du poids corporel. Toutefois, comme pour l’hypertension, cette relation n’était pas linéaire, et l’ajout d’intensité n’offrait qu’un léger avantage une fois que le volume total recommandé était atteint.
En revanche, la fréquence d’exercice ne semblait pas jouer de rôle critique dans la prévention de l’obésité. Les femmes répartissant leur activité sur plus de jours par semaine n’avaient pas un bénéfice significatif supplémentaire par rapport à celles qui pratiquaient moins fréquemment mais avec des séances plus longues.
Dans l’ensemble, ces résultats soulignent que l’élément clé pour la prévention de l’obésité et de l’hypertension est le volume total d’activité physique accumulée, tandis que la fréquence et l’intensité apportent des avantages complémentaires limités.
Discussion
Les résultats de cette étude viennent confirmer et enrichir les connaissances existantes sur les bienfaits de l’activité physique dans la prévention des maladies chroniques. L’analyse des données sur plus de 20 ans permet d’avoir une vision à long terme des effets cumulatifs de l’activité physique sur la santé métabolique et cardiovasculaire.
L’importance du volume total d’activité physique
L’un des enseignements majeurs de cette étude est que le volume total d’activité physique est de loin le paramètre le plus déterminant dans la réduction du risque d’hypertension et d’obésité. Ce constat est en accord avec de nombreuses recherches précédentes indiquant que l’augmentation de l’activité physique, même à intensité modérée, entraîne des bénéfices significatifs pour la santé cardiovasculaire et métabolique.
La question qui se pose alors est de savoir pourquoi l’accumulation de volume est si importante. L’explication repose en grande partie sur les adaptations physiologiques progressives induites par une activité régulière. Une dépense énergétique plus élevée réduit le stockage de graisse corporelle, améliore la sensibilité à l’insuline, diminue l’inflammation systémique et favorise une meilleure régulation de la pression artérielle.
Un rôle secondaire pour l’intensité et la fréquence
Un point crucial à retenir de cette étude est que l’intensité et la fréquence n’apportent que des bénéfices marginaux en comparaison au volume total d’activité. Contrairement aux croyances selon lesquelles des entraînements plus courts mais plus intenses seraient supérieurs pour la santé cardiovasculaire, cette étude montre que l’essentiel est simplement de bouger suffisamment, quelle que soit l’intensité.
L’effet légèrement supérieur des exercices à intensité élevée sur la prévention de l’obésité pourrait s’expliquer par leur impact sur la dépense calorique post-exercice (effet EPOC), mais cette relation n’est pas linéaire, et l’ajout de séances intenses ne compense pas un volume d’activité insuffisant.
La fréquence d’exercice ne semble pas non plus jouer un rôle crucial. En d’autres termes, une personne effectuant trois sessions longues d’activité physique hebdomadaire peut obtenir les mêmes résultats qu’une autre pratiquant des sessions plus courtes mais plus fréquentes, tant que le volume total est identique.
Interprétation des résultats et implications pratiques
Repenser les recommandations en matière d’activité physique
Les résultats de cette étude ont des implications majeures pour les recommandations de santé publique. Actuellement, les lignes directrices suggèrent 150 minutes d’activité modérée ou 75 minutes d’activité intense par semaine, mais cette étude suggère que le volume total d’activité physique est bien plus important que les autres paramètres.
Ainsi, plutôt que de se concentrer sur des objectifs rigides de fréquence ou d’intensité, il semble plus judicieux d’encourager les individus à bouger autant que possible, en tenant compte de leurs préférences et contraintes personnelles.
Priorité à l’accessibilité et à la régularité
Ces résultats montrent également que les recommandations doivent être flexibles pour maximiser l’adhésion à long terme. De nombreuses personnes abandonnent l’exercice parce qu’elles se sentent obligées de respecter un schéma précis (ex. : faire du sport 5 jours par semaine ou pratiquer une activité intense). L’approche la plus efficace serait donc d’encourager toute forme d’activité physique, sans imposer de règles strictes sur l’intensité ou la fréquence.
Conclusion
L’étude de Mielke et al. (2024) souligne l’importance du volume total d’activité physique dans la prévention des maladies chroniques. La fréquence et l’intensité des séances ont un rôle secondaire, renforçant l’idée que l’essentiel est de bouger suffisamment, quel que soit le type d’activité choisi.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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