Introduction
De nombreux bienfaits de la musculation incluent l’amélioration de la densité osseuse, la réduction du risque de maladies chroniques et l’augmentation de la force fonctionnelle, ce qui est essentiel pour les activités quotidiennes. Historiquement, la musculation a été dominée par les hommes, mais les femmes sont de plus en plus nombreuses à s’y adonner.
Selon les données de OpenPowerlifting, la participation féminine dans les compétitions de powerlifting a presque doublé entre 2000 et 2019, passant de 17 % à 33 %. Cette augmentation démontre un intérêt croissant des femmes pour les sports de force, un domaine autrefois réservé aux hommes. Cependant, une question demeure : les résultats de la musculation sont-ils différents entre les sexes ?
Objectifs et hypothèses de l’étude
Objectifs de l’étude
L’objectif principal de cette étude était d’analyser les adaptations en termes de force et d’hypertrophie après un programme d’entraînement en squat et curl biceps chez des hommes et des femmes non entraînés. En outre, les chercheurs ont examiné les changements tensiomyographiques, une méthode avancée pour évaluer les propriétés contractiles des muscles.
Hypothèses
Les auteurs de l’étude ont émis plusieurs hypothèses. Premièrement, ils ont supposé que l’entraînement en squat ciblerait différemment les têtes des quadriceps chez les hommes et les femmes. Deuxièmement, ils ont anticipé que les gains relatifs en force pour le curl biceps seraient plus importants chez les femmes. Enfin, ils ont proposé que les variables tensiomyographiques, comme le déplacement radial, différeraient entre les sexes.
Méthodes
Participants
L’étude a inclus 18 participants, divisés également entre hommes et femmes (9 de chaque sexe). Les critères d’inclusion étaient stricts : les participants devaient être non entraînés ou déconditionnés, c’est-à-dire n’avoir participé à aucun entraînement en résistance au cours des huit mois précédents. Ils devaient également être modérément actifs et en bonne santé générale. Cette sélection rigoureuse garantit que les résultats de l’étude reflètent véritablement l’impact de l’entraînement en résistance, sans interférence de l’expérience antérieure.
Design expérimental
L’étude a adopté un design longitudinal, parallèle et pré-post. Les participants ont été répartis en groupes selon leur sexe, plutôt que de manière aléatoire, afin de comparer directement les différences potentielles entre les hommes et les femmes. Le programme d’entraînement a débuté par une période de familiarisation de deux semaines, suivie de sept semaines d’entraînement intense en squat et curl biceps.
Les participants s’entraînaient deux fois par semaine, effectuant trois séries de chaque exercice à 60 % de leur 1RM pendant les trois premières semaines, puis quatre séries à 70 % de leur 1RM pour les quatre semaines suivantes.

Mesures et outils
Pour évaluer les effets de l’entraînement, plusieurs mesures ont été prises avant et après l’intervention. Les chercheurs ont mesuré le 1RM pour le squat et le curl biceps, ainsi que l’épaisseur musculaire des biceps et de différents muscles des quadriceps (rectus femoris, vastus lateralis, vastus medialis, vastus intermedius) à l’aide d’ultrasons.
En outre, des mesures tensiomyographiques ont été effectuées pour évaluer le déplacement radial et le temps de contraction des muscles. La tensiomyographie, qui implique la stimulation électrique des muscles pour mesurer leur réponse contractile, offre une évaluation précise des changements dans les propriétés musculaires.
Analyses statistiques
Pour comparer les résultats entre les groupes, les chercheurs ont utilisé des analyses de covariance (ANCOVA) pour évaluer les différences absolues et relatives. Les valeurs de base pour chaque variable ont été utilisées comme covariables pour ajuster les différences initiales. Cette approche statistique rigoureuse vise à isoler l’effet de l’entraînement en résistance des autres variables potentielles.
Résultats
Pré-entraînement
Avant de commencer le programme d’entraînement, les chercheurs ont effectué une série de mesures pour établir une base de comparaison. Les hommes présentaient des muscles plus épais et une force 1RM (une répétition maximale) supérieure par rapport aux femmes. Cette différence est cohérente avec les données de la littérature, qui montrent que les hommes ont généralement une plus grande masse musculaire et une force de base plus élevée que les femmes, principalement en raison de différences hormonales et physiologiques.
En revanche, les variables tensiomyographiques, telles que le déplacement radial (une mesure de la raideur musculaire) et le temps de contraction (la rapidité avec laquelle un muscle atteint son déplacement maximal après stimulation), étaient similaires entre les sexes. Cela indique que, malgré les différences de force et de taille musculaire, les propriétés contractiles de base des muscles étaient comparables entre les hommes et les femmes.
Post-entraînement
Après sept semaines d’entraînement intensif, les chercheurs ont de nouveau mesuré la force musculaire et l’hypertrophie. Les résultats ont montré que les gains en force, tant absolus que relatifs, et l’hypertrophie ne différaient pas significativement entre les sexes. Voici une analyse détaillée de ces résultats :
- Gains en force
- Force absolue : Les hommes et les femmes ont tous deux amélioré leur 1RM au squat et au curl biceps de manière significative. Cependant, les gains en termes absolus (kilos ajoutés à la barre) étaient légèrement supérieurs chez les hommes.
- Force relative : En termes relatifs (pourcentage d’amélioration par rapport à la valeur de départ), les gains étaient similaires entre les sexes. Les hommes ont augmenté leur 1RM squat d’environ 20 %, tandis que les femmes l’ont augmenté d’environ 25 %. Cette similitude relative suggère que, malgré les différences initiales, les adaptations au niveau de la force sont proportionnellement équivalentes entre les sexes.

- Hypertrophie musculaire
- Épaisseur musculaire : L’évaluation de l’épaisseur des muscles (biceps, rectus femoris, vastus lateralis, vastus medialis, et vastus intermedius) par ultrasons a révélé une augmentation significative de la taille musculaire chez tous les participants. Les gains absolus en épaisseur musculaire étaient légèrement supérieurs chez les hommes, mais les gains relatifs étaient similaires entre les sexes.
- Comparaison des différents muscles : Les quatre têtes des quadriceps (rectus femoris, vastus lateralis, vastus medialis, vastus intermedius) ont toutes montré des augmentations de taille. Cependant, les chercheurs n’ont pas trouvé de preuves significatives que les squats ciblaient différemment ces muscles entre les sexes, bien que des tendances aient été observées (par exemple, une croissance proportionnelle plus grande du rectus femoris chez les femmes).

- Tensiomyographie
- Déplacement radial : Le déplacement radial a diminué de manière significative pour tous les muscles évalués, indiquant une réduction de la raideur musculaire suite à l’entraînement. Cette diminution était similaire entre les hommes et les femmes, suggérant des adaptations comparables dans les propriétés contractiles des muscles.
- Temps de contraction : Le temps de contraction n’a pas changé de manière significative après l’entraînement, ce qui suggère que la proportion de fibres musculaires de type II (fibres rapides) n’a pas été affectée par l’entraînement. Cette constance était observée à la fois chez les hommes et les femmes.

En résumé, les résultats de cette étude montrent que les adaptations à l’entraînement en résistance sont largement similaires entre les hommes et les femmes, tant en termes absolus que relatifs. Les différences initiales en force et en taille musculaire n’ont pas conduit à des différences significatives dans les gains relatifs, ce qui suggère que les programmes d’entraînement en résistance peuvent être conçus de manière similaire pour les deux sexes, en tenant compte des objectifs individuels et des niveaux de condition physique de départ.
Critiques et applications pratiques
Analyse critique des résultats
Les résultats de cette étude peuvent sembler paradoxaux. Bien que les gains absolus et relatifs en force et en hypertrophie soient similaires entre les sexes, cela va à l’encontre des attentes basées sur les différences physiologiques entre hommes et femmes. Une analyse plus approfondie révèle que les choix statistiques, notamment l’utilisation des ANCOVA, ont pu masquer des différences réelles.
Explication de l’ANCOVA
L’ANCOVA est un outil statistique puissant qui ajuste les résultats en fonction des différences initiales entre les groupes. Cependant, dans le cas présent, où il existe un fort dimorphisme sexuel en termes de force et de musculature, l’utilisation de l’ANCOVA peut conduire à des conclusions biaisées. Cette méthode, en ajustant les différences de base, peut en effet masquer des différences réelles entre les sexes.
Conception des programmes d’entraînement
Les résultats de cette étude ont des implications pratiques importantes. Les programmes d’entraînement efficaces pour les hommes devraient également être efficaces pour les femmes, et vice versa. Les différences de sexe ne sont pas un facteur déterminant majeur en comparaison des objectifs individuels et de la réactivité à l’entraînement.
Conclusion
Cette étude confirme que les gains relatifs en force et en hypertrophie sont similaires entre les sexes, malgré des différences initiales significatives. Les programmes de musculation peuvent donc être conçus de manière similaire pour les hommes et les femmes, en tenant compte des objectifs individuels et de la réactivité à l’entraînement. Les résultats de cette étude renforcent l’importance de la méthodologie rigoureuse et de l’analyse critique dans la recherche en musculation et nutrition.
Il est nécessaire de poursuivre les recherches sur les différences de sexe dans les adaptations à l’entraînement, en particulier chez les lifters entraînés. Plus d’études utilisant des mesures directes de l’hypertrophie sont nécessaires pour affiner notre compréhension des adaptations musculaires.
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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