Introduction
Pour les femmes âgées, qui sont souvent confrontées à une perte de masse musculaire en raison du vieillissement, la recomposition corporelle revêt une importance particulière. En effet, le maintien ou l’augmentation de la masse musculaire chez les personnes âgées est crucial pour préserver la mobilité, prévenir les blessures et améliorer la qualité de vie.
L’un des éléments essentiels à une recomposition corporelle réussie est l’apport en protéines. Les protéines jouent un rôle clé dans la construction et la réparation des tissus musculaires, ce qui en fait un nutriment indispensable pour toute personne cherchant à augmenter sa masse musculaire, en particulier dans un contexte de déficit calorique où le risque de perte de muscle est plus élevé. L’étude de Ribeiro et al. (2022) s’intéresse précisément à cet aspect, en explorant l’impact de différents niveaux d’apport protéique sur la recomposition corporelle chez les femmes âgées pratiquant la musculation.
La littérature scientifique regorge de discussions sur l’importance de l’apport en protéines pour maximiser la croissance musculaire et la perte de graisse. Cependant, il existe une certaine controverse quant à la quantité optimale de protéines à consommer pour favoriser la recomposition corporelle. Certains experts recommandent des apports en protéines extrêmement élevés, tandis que d’autres estiment qu’une quantité modérée est suffisante pour atteindre des résultats optimaux.
Objectif et hypothèses de l’étude
Objectif de l’étude
L’objectif principal de l’étude de Ribeiro et al. était d’analyser les effets de différentes quantités de protéines consommées quotidiennement sur la recomposition corporelle après 24 semaines d’entraînement en résistance chez les femmes âgées. Les chercheurs ont voulu savoir si un apport plus élevé en protéines permettait d’améliorer les résultats en termes de gain de masse musculaire et de perte de graisse, par rapport à un apport plus faible. Cet objectif est particulièrement pertinent dans le contexte du vieillissement, où le maintien de la masse musculaire est crucial pour la santé et le bien-être.
Hypothèses de départ
Les chercheurs ont formulé l’hypothèse que les femmes âgées qui consomment des quantités plus élevées de protéines chaque jour obtiendraient une meilleure recomposition corporelle que celles qui consomment des quantités plus faibles. Ils s’attendaient à ce que les groupes ayant un apport protéique modéré ou élevé montrent des gains plus importants en masse musculaire et une perte de graisse plus marquée, par rapport au groupe à faible apport protéique. Cette hypothèse repose sur le rôle bien établi des protéines dans la synthèse musculaire et la thermogenèse, deux processus clés dans la recomposition corporelle.
Méthodologie
Participants
Cette étude a été menée sur un échantillon de 130 femmes non entraînées, toutes âgées de plus de 60 ans et physiquement indépendantes. Il est important de noter que ces participantes ne présentaient aucune condition cardiaque ou orthopédique qui aurait pu contre-indiquer leur participation à l’étude. De plus, elles ne suivaient aucun traitement hormonal substitutif ou thérapie thyroïdienne, et n’avaient pas participé à des exercices structurés plus d’une fois par semaine au cours des six mois précédant l’étude. Cette sélection rigoureuse des participantes garantit que les résultats de l’étude ne sont pas biaisés par des conditions médicales sous-jacentes ou des niveaux d’activité physique antérieurs.
Les participantes ont été réparties en trois groupes en fonction de leur apport protéique habituel, basé sur leurs propres déclarations : un groupe avec un apport protéique faible (≤ 0,92 g/kg/jour), un groupe avec un apport modéré (≥ 0,93 et ≤ 1,16 g/kg/jour), et un groupe avec un apport élevé (> 1,16 g/kg/jour). Cette stratification a permis aux chercheurs de comparer les effets de différents niveaux de consommation de protéines sur la composition corporelle.
Procédures
L’étude de Ribeiro et al. est une analyse rétrospective de données provenant de six expériences distinctes, réalisées entre 2015 et 2019. Toutes ces expériences faisaient partie du projet longitudinal “Active Aging” et suivaient des méthodologies très similaires, ce qui a permis aux chercheurs de regrouper et d’analyser les données de manière cohérente.
Les participantes ont suivi un programme de musculation sur 24 semaines, comprenant des exercices comme le développé couché, la presse à cuisse, le tirage horizontal, le leg extension, les curls pour les biceps, le leg curl pour les ischio-jambiers, les extensions pour les triceps, et les extensions assises des mollets. Le programme d’entraînement était structuré de manière progressive : pendant les douze premières semaines, les participantes réalisaient 3 séries de 10 à 15 répétitions pour chaque exercice, puis, au cours des semaines 13 à 24, elles passaient à 3 séries de 8 à 12 répétitions. Cette progression dans les charges et les répétitions était conçue pour assurer que l’entraînement restait stimulant et efficace tout au long de l’étude.
Pour évaluer les changements dans la composition corporelle, des scans DXA ont été réalisés avant et après le programme de musculation. Ces scans sont considérés comme la méthode de référence pour mesurer la masse grasse, la masse musculaire, et la densité minérale osseuse. Les chercheurs ont utilisé une équation validée pour estimer la masse musculaire squelettique à partir des données obtenues par DXA, ce qui a permis une analyse précise des changements musculaires.
L’apport alimentaire des participantes a été évalué à l’aide de rappels alimentaires de 24 heures sur deux jours de semaine non consécutifs. Pour minimiser les erreurs inhérentes à cette méthode de collecte de données, les chercheurs ont utilisé un logiciel sophistiqué qui génère une estimation de l’apport habituel en combinant les données des rappels alimentaires. Cette approche a permis une estimation plus précise de l’apport protéique quotidien des participantes.
Analyse statistique
L’analyse statistique de l’étude a été réalisée à l’aide de modèles d’analyse de variance (ANOVA) pour comparer les changements relatifs dans la composition corporelle (c’est-à-dire les pourcentages de changement par rapport aux valeurs initiales) entre les trois groupes. De plus, des modèles d’analyse de covariance (ANCOVA) ont été utilisés pour analyser les changements absolus en kilogrammes, en tenant compte des valeurs initiales et de l’apport énergétique total des participantes. Cette méthode statistique rigoureuse a permis d’isoler l’effet de l’apport protéique sur les changements corporels, en contrôlant d’autres variables potentiellement confondantes.
Résultats de l’Étude
Comparaison des groupes
Les résultats de l’étude ont révélé des différences notables entre les groupes en termes de gains musculaires et de perte de graisse. Tous les groupes ont montré une augmentation de la masse musculaire après 24 semaines d’entraînement en résistance. Cependant, les gains en masse musculaire étaient significativement plus élevés dans les groupes avec un apport modéré (5,4 %) et élevé (5,1 %) en protéines par rapport au groupe à faible apport (2,3 %). Ce résultat souligne l’importance d’un apport adéquat en protéines pour optimiser la croissance musculaire, même chez les femmes âgées.
En ce qui concerne la perte de graisse, les trois groupes ont également montré des réductions de la masse grasse, bien que ces réductions aient été similaires entre les groupes : 1,7 % pour le groupe à faible apport protéique, 3,7 % pour le groupe à apport modéré, et 3,1 % pour le groupe à apport élevé. Il est intéressant de noter que bien que la perte de graisse soit légèrement plus importante dans le groupe à apport modéré, les différences entre les groupes n’étaient pas statistiquement significatives.
Ces résultats suggèrent que, bien que l’augmentation de l’apport en protéines soit bénéfique pour la croissance musculaire, elle n’a pas nécessairement un impact majeur sur la perte de graisse lorsque l’apport dépasse un certain seuil. Cela contredit l’idée répandue selon laquelle des apports extrêmement élevés en protéines sont nécessaires pour maximiser la recomposition corporelle. Il y a souvent une confusion entre l’apport en protéines et la perte de graisse, sans considérer le déficit calorique, qui est pourtant essentiel pour toute perte de graisse.
Analyse des résultats
L’analyse des résultats indique que les différences observées entre les groupes sont pertinentes tant sur le plan statistique que pratique. Les gains musculaires plus importants dans les groupes à apport modéré et élevé en protéines confirment l’hypothèse de départ des chercheurs, à savoir que un apport protéique plus élevé favorise une meilleure recomposition corporelle en termes de gain musculaire. Toutefois, les différences relativement modestes en termes de perte de graisse entre les groupes suggèrent que d’autres facteurs, tels que le déficit calorique total et l’entraînement, pourraient jouer un rôle plus déterminant dans la perte de masse grasse.
Ces conclusions sont cohérentes avec d’autres études, telles que celles de Antonio et al. (2016), qui ont montré que des apports élevés en protéines peuvent aider à maintenir la masse musculaire pendant un régime hypocalorique, mais que l’impact sur la perte de graisse est limité au-delà d’un certain point.
Critiques et limites de l’étude
Limites de l’étude
Bien que cette étude apporte des éclairages précieux sur la recomposition corporelle chez les femmes âgées, elle présente plusieurs limites qui doivent être prises en compte lors de l’interprétation des résultats. Tout d’abord, l’étude a été réalisée sur des femmes âgées non entraînées, ce qui limite la généralisation des résultats à d’autres populations, comme les hommes, les jeunes adultes, ou les athlètes entraînés. Les résultats pourraient différer chez ces autres groupes, en particulier en ce qui concerne la réponse musculaire à l’apport protéique et à l’entraînement en résistance.
Ensuite, l’étude a utilisé une méthode de rappel alimentaire de 24 heures pour estimer l’apport protéique habituel, ce qui peut introduire des erreurs de mesure dues à l’inexactitude des déclarations des participantes. Bien que les chercheurs aient utilisé un logiciel pour améliorer la précision des estimations, il est possible que des erreurs subsistent, notamment en ce qui concerne la quantité et la qualité des protéines consommées.
Un autre point à considérer est que les groupes présentaient des différences significatives en termes de composition corporelle initiale et d’apport énergétique total, ce qui pourrait avoir influencé les résultats. Par exemple, le groupe à apport protéique élevé avait moins de masse musculaire et de masse grasse au départ par rapport au groupe à faible apport protéique. Ces différences initiales peuvent compliquer l’interprétation des résultats, car il est difficile de déterminer si les changements observés sont uniquement dus à l’apport en protéines ou à d’autres facteurs.
Enfin, bien que l’entraînement en résistance ait été supervisé tout au long de l’étude, les apports alimentaires ne l’ont pas été. Cela signifie que nous devons supposer que les participantes ont suivi les instructions données concernant le maintien de leurs habitudes alimentaires habituelles pendant toute la durée de l’étude, ce qui introduit une incertitude supplémentaire quant à la fiabilité des données nutritionnelles.
Discussion des implications
Malgré ces limitations, l’étude de Ribeiro et al. reste une contribution importante à la littérature sur la recomposition corporelle, en particulier pour les femmes âgées. Les résultats soulignent l’importance d’un apport suffisant en protéines pour favoriser la croissance musculaire et suggèrent que, dans cette population, un apport modéré à élevé en protéines est suffisant pour obtenir des résultats optimaux en matière de recomposition corporelle.
Ces conclusions sont en accord avec les recommandations actuelles pour les athlètes et les personnes âgées, qui suggèrent généralement un apport en protéines de 1,6 à 2,2 g/kg/jour pour maximiser la croissance musculaire et maintenir la masse maigre pendant une perte de poids. L’étude montre également que la consommation de protéines au-delà de ce niveau ne conduit pas nécessairement à une plus grande perte de graisse, ce qui est un point important pour les personnes cherchant à optimiser leur composition corporelle sans avoir à consommer des quantités excessives de protéines.
Conclusion
En résumé, l’étude de Ribeiro et al. (2022) montre que un apport modéré à élevé en protéines est suffisant pour favoriser la recomposition corporelle chez les femmes âgées pratiquant la musculation. Les gains musculaires sont plus importants avec un apport protéique supérieur, mais la perte de graisse n’est pas significativement affectée au-delà d’un certain seuil de consommation de protéines. Ces résultats suggèrent que la consommation de protéines dans la fourchette recommandée de 1,6 à 2,2 g/kg/jour est optimale pour la plupart des personnes cherchant à améliorer leur composition corporelle.
Des études plus approfondies pourraient examiner les interactions entre l’apport protéique, le type de protéines consommées, et d’autres facteurs nutritionnels dans le cadre de la recomposition corporelle. Ces recherches pourraient aider à affiner davantage les recommandations nutritionnelles pour différentes populations, en fonction de leurs objectifs et de leur niveau d’entraînement.
Liste des Références Scientifiques
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L’étude complète
Merci pour votre lecture, si vous souhaitez aller plus loin le texte complet de l’étude est disponible ici :
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